Indemnisation du préjudice d’affection des proches : un lien de parenté obligatoire ?


  • Décès de la victime directe et indemnisation des proches : la prise en compte de la proximité affective.

    En cas de décès d’une victime, quelles préjudices ses proches sont-ils fondés à revendiquer ?

    Il y a lieu de distinguer les préjudices de la victime directe décédée et les préjudices des proches.

    S’agissant des préjudices de la victime directe décédée, la loi considère que l’indemnisation correspondante est entrée dans son patrimoine avant son décès.

    Ainsi, elle tombe dans la succession et revient donc aux héritiers.

    S’agissant des préjudices des proches, sont indemnisés les préjudices patrimoniaux (frais d’obsèques, pertes de revenus, frais divers) et les préjudices extra-patrimoniaux (préjudice d’affection, préjudice d’accompagnement).

    Le préjudice d'affection est le préjudice moral lié à la perte d'un être cher.

    La question fréquemment posée par nos clients est de savoir qui sont les proches fondés à solliciter l’indemnisation de leurs propres préjudices ?

    Ils s’interrogent notamment sur la nécessité d’avoir un lien de parenté avec le défunt.

    Par un arrêt récent (courdecassation.fr), la chambre criminelle de la Cour de cassation vient de rappeler la réponse à cette question.

    Les faits et la procédure :

    Une victime a été mortellement blessée à l'occasion d'un accident de la circulation impliquant un véhicule.

    Le tribunal correctionnel a déclaré le conducteur coupable du chef d'homicide involontaire par conducteur d'un véhicule terrestre à moteur sous l'empire d'un état alcoolique et l'a déclaré responsable des conséquences dommageables de l'accident.

    Il a reçu les parents, frère et sœur de la victime, en leur constitution de partie civile et a condamné le conducteur à leur verser diverses sommes en réparation de leur préjudice d'affection.

    Les premiers juges ont également reçu en leur constitution, mais débouté de leurs demandes, les autres proches.

    Ces derniers ont contesté cette décision, soutenant l’argumentation suivante :

    "1°/ que l'action civile en réparation du dommage causé par un crime ou un délit appartient à ceux qui ont personnellement souffert du dommage causé directement par l'infraction ; que les proches de la victime d'une infraction ayant causé son décès sont recevables à solliciter la réparation du préjudice personnel résultant directement de l'infraction ; qu'à ce titre, les proches de la victime sont admis à demander la réparation de leur préjudice d'affection dès lors qu'ils rapportent la preuve de liens d'affection étroits entre eux et la victime ; qu'en l'espèce, en considérant qu'à défaut de produire des copies de leurs actes de naissance ainsi que de ceux de leurs parents de nature à démontrer la réalité des liens de parenté avec le défunt ou les parents de celui-ci, les demandes d'indemnisation formulées par les membres de la famille éloignée ne pouvaient être accueillies, la cour d'appel, qui a subordonné la recevabilité de la constitution de partie civile d'un proche d'une victime décédée et la réparation de son préjudice d'affection, à la condition qu'il démontre l'existence de liens de parenté avec le défunt ou les parents de celui-ci, a violé les articles 2, 3 et 591 du code de procédure pénale ;

    2°/ qu'au surplus, en retenant que les pièces produites ne démontraient pas l'existence de liens de parenté avec le défunt ou les parents de celui-ci, la cour d'appel, qui n'a pas recherché, alors qu'elle y était invitée, si les pièces produites démontraient l'existence d'une proximité affective avec celui-ci, caractérisant l'existence d'un préjudice personnel et direct, n'a pas justifié sa décision et a violé les articles 2, 3 et 593 du code de procédure pénale."

    La primauté du lien de proximité et d’affection :

    La Cour de cassation fait droit à cette argumentation, cassant la décision objet du pourvoi selon la motivation suivante :

    "Vu les articles 2, 3 et 593 du code de procédure pénale :

    8. Il résulte des deux premiers de ces textes que les proches de la victime d'une infraction sont recevables à rapporter la preuve d'un dommage dont ils ont personnellement souffert et qui découle directement des faits, objet de la poursuite.

    9. Selon le troisième, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

    10. Pour déclarer irrecevables dix-huit constitutions de partie civile, l'arrêt attaqué énonce que la réalité de liens de parenté avec [C] [O], la victime, ou les parents de celui-ci, n'est pas démontrée par les pièces d'état civil versées aux débats.

    11. Les juges ajoutent que les autres pièces produites, tendant à convaincre la juridiction d'une proximité affective des intéressés avec la victime, ne démontrent pas plus l'existence de liens de parenté avec le défunt.

    12. En se déterminant ainsi, sans rechercher si les éléments produits permettaient de justifier, malgré l'absence de lien avéré de parenté avec le défunt, l'existence d'un préjudice d'affection direct et certain résultant du décès de la victime de l'infraction, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.

    13. La cassation est par conséquent encourue."

    Ainsi, il n'est pas nécessaire de démontrer l'existence d'un lien de parenté avec la victime pour solliciter l'indemnisation du préjudice d'affection résultant de son décès.

    En revanche, il appartient à ces proches d'apporter la preuve d'un véritable lien de proximité et d'affection.

    Comment apporter cette preuve ?

    Le code civil permet d'apporter cette preuve par tous moyens, c'est à dire par la production de témoignages, de photographies, d'échanges de correspondances... etc.

    Votre avocat est à même de vous aider à réunir les éléments de preuve à même de convaincre le juge de la réalité et de l'importance de ce lien d'affection.

     

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