Frais de garde des enfants après le décès d'un parent: quelle indemnisation ?


  • Précisions sur le bénéficiaire de l'indemnisation du préjudice de perte d'industrie.

    Le décès d’une victime ouvre droit à l’indemnisation du préjudice économique de son conjoint et de ses enfants à charge.

    L’indemnisation du préjudice économique compense non seulement les pertes de revenus du foyer pour l'avenir.

    Il convient également d’indemniser les conséquences économiques subies par un proche de de la victime directe lorsque cette dernière exerçait une activité non rémunérée, dont la perte entraîne de manière directe des dépenses supplémentaires, comme par exemple les frais de garde des enfants dont s’occupait le parent décédé.

    Il s'agit du préjudice de perte d'industrie.

    La Cour de cassation vient de se prononcer sur cette notion en répondant à une question précise : l’indemnisation de ce chef de préjudice revient-elle au conjoint de la victime décédée ou à celui qui s’occupe désormais des enfants ?

    Les faits et la procédure :

    Une mère de famille a été victime d'un accident mortel de la circulation alors qu'elle conduisait son véhicule automobile.

    Son époux divorcé, agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentant légal des deux enfants alors mineurs issus de leur union, ainsi que la grand-mère paternelle de ces derniers, ont assigné l’assureur en indemnisation de leurs préjudices économiques.

    Les premiers juges l’ont condamné à indemniser le préjudice économique de la grand-mère, considérant qu’il existerait un lien de causalité direct entre l'accident ayant entraîné le décès de son ex-belle fille et le préjudice qui en est résulté pour elle consistant à devoir s'occuper de ses petits-enfants durant le temps péri-scolaire puisqu'avant l'accident, la mère des enfants assurait elle-même la garde effective de ses enfants.

    Un pourvoi a été formé.

    L’assureur soutenait ainsi que seul est indemnisable le préjudice en rapport de causalité direct avec l'événement dommageable.

    Il affirmait que la perte de l'industrie qui était déployée par la victime directe ne constitue un préjudice direct pour la victime par ricochet que pour autant qu'elle en était bénéficiaire.

    Il ajoutait que seul le père était bénéficiaire économiquement de la prise en charge des enfants par leur mère de son vivant durant le temps périscolaire et que rien n'obligeait les grands-parents à se substituer à la victime par ricochet pour prendre en charge les enfants pendant les périodes d'indisponibilité du père.

    La limitation de l'indemnisation au conjoint survivant :

    Par un arrêt du 10 juillet 2025 (courdecassation), la Cour de cassation donne raison à l’assureur.

    Sa motivation est la suivante :

    "Vu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :

    6. Pour condamner in solidum les sociétés GMF et Allianz IARD à payer une certaine somme à Mme [Y] [D] en réparation de son préjudice économique, l'arrêt relève qu'à la suite du décès de [R] [F], Mme [Y] [D] a assuré la garde de ses petits-enfants en dehors des temps de classe, compte tenu de l'activité professionnelle de leur père qui ne lui permettait pas de s'en occuper, et qu'elle les a, ainsi, pris en charge les midis pour déjeuner, puis le soir jusqu'à ce que leur père vienne les chercher, ainsi que les mercredis.

    7. Il ajoute que le préjudice qui est résulté du décès de [R] [F], subi par Mme [Y] [D], consistant à devoir s'occuper de ses petits-enfants durant les temps péri-scolaires, est en lien de causalité avec l'accident puisqu'avant celui-ci, [R] [F] assurait elle-même la garde effective de ses enfants.

    8. En statuant ainsi, alors que le préjudice économique indemnisé, constitué de la perte de la valeur économique de l'aide familiale qui était fournie par la victime avant son décès, a été subi par le père des enfants et non par la grand-mère de ces derniers, la cour d'appel a violé le principe susvisé."

    Cet arrêt rappelle ainsi que le conjoint survivant peut subir un préjudice économique dit de perte d’industrie, notamment comme en l’espèce en raison de la nécessité de faire garder ses enfants.

    Toutefois, l’indemnisation de ce préjudice revient non pas à celui qui accomplit cette tâche (ici, la grand-mère), mais au conjoint survivant, victime par ricochet.

    Concrètement, pour évaluer ce préjudice, il convient d’estimer les heures durant lesquelles les enfants auraient dû être gardés par le parent décédé.

    L’indemnisation est ensuite effectuée en tenant compte de la valeur économique actuelle de cette prestation.

    Cet arrêt rappelle ainsi que les demandes indemnitaires doivent être formées uniquement par les victimes à même de se prévaloir d'un préjudice en lien direct et certain avec le dommage.

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