Aide pour les études : indemnisation du besoin et non des dépenses.
Les faits et la procédure :
Un patient, né en 1996, a été vacciné en décembre 2009, dans le cadre d'une campagne nationale de vaccination contre le virus (A) H1N1 avec le vaccin Pandemrix. A partir de juin 2010, il a présenté des troubles du sommeil et un diagnostic de narcolepsie de type I (dite également narcolepsie avec cataplexie) a été posé en avril 2011.
Imputant cette pathologie à la vaccination reçue, le patient, ses parents, ses sœurs et frère ont saisi l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) d'une demande d'indemnisation sur le fondement des dispositions de l'article L. 3131-4 du code de la santé publique.
L'ONIAM, après deux expertises, a reconnu l'existence d'un lien de causalité entre la vaccination et la pathologie, et a formulé une offre d'indemnisation partielle, que le demandeur a refusée en sollicitant une nouvelle expertise.
Cette demande ayant été rejetée, les requérants ont saisi le tribunal administratif, lequel a condamné l'ONIAM à verser à la victime directe la somme de 592 580 euros.
Des appels ont été formés par les deux parties et la cour administrative d'appel a ramené la somme à verser à la victime à 394 669 euros, en l'assortissant d'une rente annuelle de 8 208 euros.
La cour administrative d’appel a notamment rejeté la demande d’indemnisation de l’assistance par tierce personne nécessitée durant les études de la victime au motif que la famille ne produisait pas les justificatifs des dépenses exposés à ce titre. Les rapports d’expertise avaient pourtant retenu un tel besoin.
Un pourvoi a été formé par la victime.
La seule prise en compte du besoin :
Par un arrêt du 21 juillet 2025 (legifrance), le Conseil d’Etat invalide la position des premiers juges selon la motivation suivante :
"Lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire permettant, dans les circonstances de l'espèce, le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat, sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime ou que celle-ci n'a, malgré son besoin, pas fait effectivement appel à une telle aide.
Il ressort du point 24 de l'arrêt attaqué que pour rejeter la demande de M. C... tendant à l'indemnisation de son préjudice d'assistance par tierce personne pour ses études, la cour administrative d'appel a jugé que ce préjudice n'était pas établi, en se fondant sur la circonstance qu'il ne résultait pas de l'instruction qu'une telle aide ait été effectivement apportée à l'intéressé, faute pour la famille d'avoir produit les justificatifs en attestant. En se déterminant ainsi, alors qu'en application des principes énoncés au point 2 ci-dessus, il lui appartenait seulement, pour rechercher si ce préjudice devait être indemnisé, et avant d'arrêter le montant dû à ce titre après déduction, le cas échéant, des prestations reçues ayant eu le même objet, de tenir compte des besoins de la victime tels qu'ils ressortaient notamment des rapports d'expertise, la cour a commis une erreur de droit. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, M. C... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque, en tant qu'il statue sur sa demande tendant à être indemnisé au titre de l'assistance par une tierce personne pour ses études."
Il s’agit d’une juste décision, conforme à la jurisprudence en la matière.
Il y a lieu de rappeler en effet que seul le besoin en assistance par tierce personne doit être évalué puis indemnisé, et non pas les dépenses réellement exposées.
De nombreuses victimes ne peuvent en effet faire face à de telles dépenses tant qu’elles n’ont pas reçu une indemnisation, laquelle est destinée à couvrir ces frais tant pour le passé que pour l’avenir.
Il serait donc parfaitement injuste de faire dépendre l’indemnisation des dépenses exposées.
Il y a lieu de rappeler par ailleurs qu’il est fait application en la matière du principe de non-affectation de l’indemnisation, c’est-à-dire que la victime n’a pas à justifier que l’indemnisation qui lui a été allouée au titre d’un préjudice a bien été dépensée à ce titre.
Cet arrêt permet enfin de rappeler l’importance d’une juste évaluation médico-légale dans le cadre de l’expertise puisqu’une juste indemnisation découle d’une juste évaluation des préjudices.
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