Prescription des demandes adressées au FIVA (Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante)


  • Application des causes interruptives du droit civil même aux créances publiques.

    Le délai pour saisir le FIVA

    Pour rappel, la loi prévoit que les demandes d'indemnisation des victimes d'une maladie liée à l'amiante doivent être adressées au FIVA dans un délai de 10 ans (article 53, III bis de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, dans sa rédaction issue de l'article 92 de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011).

    Auparavant, le droit à indemnisation se prescrivait dans le délai de 4 ans qui est le délai de prescription des créances contre l'Etat, fixé par l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968

    A compter de quand court ce délai de 10 ans ?

    Il faut distinguer les demandes présentées au titre des préjudices des victimes directes et les demandes présentées au titre des préjudices des ayants droit :

    Pour les victimes directes, le délai de prescription commence à courir à compter de :

    • pour la maladie initiale, la date du premier certificat médical établissant le lien entre la maladie et l’exposition à l’amiante ;
    • pour l’aggravation de la maladie, la date du premier certificat médical constatant cette aggravation dès lors qu’un certificat médical précédent établissait déjà le lien entre cette maladie et une exposition à l’amiante.

    Pour les ayants droit, deux situations peuvent exister :

    • pour la réparation de leurs préjudices personnels, le délai de prescription de la demande d’indemnisation commence à courir à compter de la date du premier certificat médical établissant le lien entre le décès et l’exposition à l’amiante ;
    • pour la réparation des préjudices de la victime au titre de l’action successorale, le délai de prescription de la demande d’indemnisation commence à courir comme pour les victimes directes.

    Le délai de prescription de 10 ans se décompte de date à date.

    Une exception toutefois : les certificats médicaux initiaux établis avant le 1er janvier 2004 étaient réputés l'avoir été à cette même date. Ainsi, le FIVA ne peut opposer aucun délai de prescription avant cette date et la prescription décennale opposable intervient à compter du 2 janvier 2014. 

    Ce délai peut-il être interrompu ?

    Se pose par ailleurs la question des causes d’interruption de ces délais de prescription et des règles applicables en la matière.

    C’est la question qui était posée récemment à la Cour de Cassation.

    Les faits étaient les suivants :

    La victime était décédée le 07 juillet 2003 d’une pathologie liée à l’amiante diagnostiquée le 23 août 2002. Le certificat médical établissant le lien entre la pathologie et le décès avait été rédigé le 25 septembre 2003. Ses ayants droit ont saisi le FIVA d’une demande d’indemnisation de ses préjudices ainsi que de leurs propres préjudices. Une offre d’indemnisation leur a été adressée, qu’ils ont acceptée.

    Le 21 mars 2017, la veuve a saisi le FIVA d’une demande complémentaire tendant à l’indemnisation de son préjudice économique. Sa demande a été rejetée au motif qu’elle serait prescrite puisque présentée après l’expiration du délai de dix ans prévu par la loi.

    Le FIVA a en effet considéré qu’il y avait lieu de faire application des règles relatives aux créances publiques.

    L’article 2 de la loi du 31 décembre 1968 prévoit en effet des cas d’interruption de la prescription. Pour résumer, deux cas d’interruption sont prévus par cette loi :

    • Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l’autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l’existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l’administration saisie n’est pas celle qui aura finalement la charge du règlement.
    • Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l’existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l’auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l’administration qui aura finalement la charge du règlement n’est pas partie à l’instance.

    La veuve a contesté le refus du FIVA devant la Cour d’Appel. Elle indiquait quant à elle qu’il y avait lieu de faire application des règles de prescription civile, et notamment des articles 2240 à 2242 du code civil.

    Ces articles prévoient notamment que la reconnaissance par le débiteur du droit du créancier interrompt la prescription, de même que la demande en justice, y compris en référé.

    La Cour d’Appel a fait droit aux demandes de la veuve en faisant application des règles du droit civil et condamné le FIVA à indemniser son préjudice économique.

    Le FIVA a formé un pourvoi devant la Cour de Cassation.

    La question de droit posée était donc de savoir si les causes d’interruption de la prescription sont celles applicables aux créances publiques ou celles du droit civil.

    L'application des règles de prescription du droit civil

    La Cour de Cassation y a répondu par un arrêt du 06 février 2020: elle considère qu’il y a lieu de faire application des causes interruptives du code civil même s’il s’agit en l’occurrence d’une créance publique :

    En introduisant, par la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010, dans la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, un article 53, III bis, aux termes duquel les droits à indemnisation des préjudices concernés se prescrivent par dix ans à compter de la date du premier certificat médical établissant le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante, sauf exceptions qu'il énumère, et en décidant que ce délai de prescription s'applique immédiatement en tenant compte du délai écoulé depuis l'établissement du premier certificat médical mentionné à l'article précité, mais que ceux établis avant le 1er janvier 2004 sont réputés l'avoir été à cette date, le législateur a entendu évincer le régime spécial de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissement publics, aucune demande de réparation du préjudice des victimes de l'amiante n'étant soumise à la prescription quadriennale que cette loi prévoit, pour lui substituer le régime de prescription de droit commun, ainsi aménagé.
    Il en résulte que les causes de suspension et d'interruption de la prescription prévues par ladite loi ne sont pas applicables à ces demandes.

    Du fait de l’application des règles de prescription du droit civil et non du droit administratif, les demandes présentées par la veuve au titre de son préjudice économique ne sont pas prescrites et, par conséquent, sont bien recevables.

    Il s’agit donc d’une règle favorable aux victimes puisque leur permettant de bénéficier d’un plus long délai pour revendiquer l’indemnisation de leurs préjudices.

    Du fait de la technicité des règles applicables, les victimes s'interrogeant sur la recevabilité de leurs demandes auprès du FIVA ne doivent pas hésiter à consulter un avocat en ayant la maîtrise afin de les orienter au mieux. Les procédures d'indemnisation en la matière s'avèrent en effet complexes alors que les enjeux sont importants pour les victimes.

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