Préjudice d'anxiété: délai d'action


  • Indemnisation du préjudice d’anxiété : quel délai d’action contre l’employeur ?

    La Cour de cassation vient de rappeler le point de départ et la durée du délai de prescription de l’action dirigée par un salarié contre son employeur aux fins d’indemnisation de son préjudice d’anxiété

    Les faits étaient les suivants :

    Des salariés de la SNCF ont saisi la juridiction prud'homale en 2015 aux fins d'obtenir la condamnation de leur employeur au paiement de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice d'anxiété et pour violation de l'obligation de sécurité.

    Un arrêt défavorable de la Cour d'appel

    Le 05 septembre 2018, la Cour d’appel a déclaré leur action irrecevable.

    Elle a ainsi retenu que, le 30 janvier 2001, « lors de la réunion du CHSCT, les représentants du personnel ont fait grief à l'employeur de ne pas appliquer le décret n° 96/98 du 7 février 1998 traitant de la protection des travailleurs exposés aux fibres d'amiante, après la découverte par des agents d'un produit amiantifère lors d'une intervention sous le plancher d'un chaudron, qu'en 2004, une cabine de désamiantage a été installée dans le bâtiment N, et que donc au plus tard en 2004, les salariés avaient ou auraient dû avoir conscience d'un risque d'exposition à l'amiante, présente sur le site où ils exerçaient leur activité professionnelle, qu'a confirmé en 2005, l'interdiction d'utilisation des enduits Becker, compte tenu de la concentration en fibres d'amiante qu'ils contenaient, puis les interventions particulièrement fermes à compter de 2011 de la DIRECCTE».

    Le pourvoi 

    Les salariés ont inscrit un pourvoi contre cette décision, faisant valoir que « la prescription des actions ouvertes aux salariés aux fins d'indemnisation du préjudice lié à l'exposition à l'amiante ne court qu'à compter du jour où ces salariés ont eu connaissance du risque à l'origine de l'anxiété, c'est-à-dire à compter du jour où ils détiennent l'ensemble des éléments nécessaires à la connaissance de la dangerosité de l'exposition à laquelle ils ont été soumis ».

    Selon eux, il convenait de retenir comme point de départ de ce délai la date à laquelle avait été mis en service le local de confinement de l'amiante le 1er janvier 2014, c'est-à-dire à la date à laquelle ils avaient été mis en possession de l'ensemble des éléments nécessaires à la connaissance du risque à l'origine de leur anxiété.

    Les salariés soutenaient également « que la prescription des actions des salariés aux fins d'indemnisation du préjudice résultant d'un manquement de leur employeur à ses obligations de sécurité et de bonne foi en matière d'amiante ne court qu'à compter du jour où les salariés ont cessé d'être exposés à l'amiante ».

    L'arrêt de la Cour de cassation, en faveur des victimes

    Aux termes de son arrêt du 08 juillet 2020, la Cour de cassation valide la position des salariés, rappelant les principes suivants :

    • Aux termes de l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.
    • Par ailleurs, en application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, et d'un préjudice d'anxiété personnellement subi résultant d'une telle exposition, peut agir contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité.
    • Le point de départ du délai de prescription de l'action par laquelle un salarié demande à son employeur, auquel il reproche un manquement à son obligation de sécurité, réparation de son préjudice d'anxiété, est la "date à laquelle le salarié a eu connaissance du risque élevé de développer une pathologie grave résultant de son exposition à l'amiante. Ce point de départ ne peut être antérieur à la date à laquelle cette exposition a pris fin".

    La Cour de cassation juge donc que: "en se déterminant ainsi, sans rechercher à quelle date les salariés avaient cessé d'être exposés à un risque élevé de développer une pathologie grave résultant d'une exposition à l'amiante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale".

    Il s'agit là d'une application logique des dispositions rappelées ci-dessus, permettant donc de retenir que l'action des salariés était recevable puisque dans le cas d'espèce l'exposition des salariés à l'amiante a cessé le 1er janvier 2014.

    La question de la prescription de l'action est l'une des premières à se poser avant d'exercer une quelconque action judiciaire dans le cadre d'une demande d'indemnisation du préjudice d'anxiété.

    Les conseils et l'assistance d'un avocat spécialiste en la matière s'avèrent indispensables pour opérer les vérifications nécessaires et mener à bien une telle procédure.

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