Etat antérieur et préjudice: confirmation de la jurisprudence


  • Révélation d’un état antérieur latent par un accident : nouvelle confirmation de la jurisprudence.

    Nous avions indiqué ici que, le 20 mai 2020, la Cour de cassation retenait qu’une maladie de Parkinson non diagnostiquée et totalement asymptomatique avant un accident de la circulation était bien imputable à celui-ci, ayant eu un effet de décompensation de la maladie.

    La Cour de cassation rappelait ainsi:

    «… le droit de la victime d'un accident de la circulation à obtenir l'indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit en raison d'une prédisposition pathologique lorsque l'affection qui en est résulté n'a été provoquée ou révélée que du fait de l'accident».

    Par un arrêt du 14 octobre 2020, la Chambre criminelle confirme cette jurisprudence favorable aux victimes.

    Les faits

    Une enseignante avait été victime de menaces de mort de la part d’une mère d’élève. Cette dernière a été condamnée pénalement au titre de l’infraction qui lui était reprochée.

    Sur l’action civile, elle a été condamnée à réparer le préjudice corporel de la victime.

    Elle a toutefois interjeté appel de cette dernière condamnation.

    La Cour d’appel a rejeté la demande de condamnation de l’auteur des faits à verser la somme de 5.000 € de provision pour réparation du préjudice corporel de la victime et réduit son droit à indemnisation à la somme de 250 €.

    Elle a motivé sa décision de la manière suivante:

    «selon certificat du 28 août 2017 établi par le M. Q... X..., médecin psychiatre traitant de l'appelante, Mme T... présentait préalablement aux faits « une dépression récurrente, une anxiété importante » et que, selon le certificat médical en date du 17 août 2015 établi par le même médecin, « cet évènement est intervenu alors que Mme T... présentait un état de fatigue, dû à des problématiques professionnelles et personnelles » et en a déduit qu'il ne peut être établi un lien de causalité suffisamment certain et direct entre l'état de panique post-traumatique décrit par la victime et les menaces de mort proférées par Mme L...».

    Le principe du droit à réparation intégrale

    Cette décision fait toutefois l’objet d’une cassation aux motifs suivants :

    «…il appartient aux juridictions du fond de réparer dans son intégralité et sans perte ni profit, dans la limite des conclusions des parties, le préjudice résultant de la déclaration de culpabilité de l'auteur du dommage.

    Pour condamner Mme L... à payer à Mme T... la somme de 250 euros en réparation de son préjudice corporel, l'arrêt retient que le lien de causalité entre l'état de panique post-traumatique décrit dans ses conclusions par la victime et les menaces de mort proférées une seule fois par une mère d'élève s'estimant incomprise, hors la présence de l'intéressée et rapportées dans la soirée des faits par des collègues, ne peut être établi de manière suffisamment certaine et directe pour justifier une expertise judiciaire psychiatrique et l'allocation d'une provision.

    Ils ajoutent que la mère d'élève a été reçue calmement par le directeur de l'établissement dans les suites immédiates des menaces et a accepté, à la demande de ce dernier, que son fils retourne dans la classe de l'enseignante.

    Ils retiennent que les seuls propos rapportés à l'enseignante le soir des faits par ces collègues et par le directeur de l'école ne peuvent être considérés comme générateurs du « choc psychologique immense » allégué par l'appelante, ayant entraîné un arrêt de travail continu de plus d'un an de l'enseignante puis un congé de longue maladie pour les mêmes raisons jusqu'en septembre 2016.

    Ils concluent en conséquence que le tribunal a jugé à bon droit que le préjudice devait être réparé à sa juste mesure par l'allocation de la somme de 250 euros.

    En se déterminant ainsi, et dès lors que le droit de la victime à obtenir indemnisation de son préjudice ne saurait être réduit en raison d'une prédisposition pathologique lorsque l'affection a été provoquée ou révélée par le fait dommageable, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ».

    Cet arrêt rappelle donc encore que le droit à réparation de la victime doit être intégral et qu’il ne peut être réduit en raison d’une prédisposition pathologique lorsque l’affection a été provoquée ou révélée par le fait dommageable.

    Surtout, cet arrêt rappelle que ce principe s’applique également dans le cas d’une victime dont l’état psychologique était déjà fragilisé avant le fait dommageable.

    Il s’agit là d’un sujet régulièrement discuté en expertise médicale et en procédure, et dont les enjeux peuvent être très importants sur le plan indemnitaire. D’où la nécessité de se faire assister d’un avocat spécialiste maîtrisant l'ensemble de ces aspects.

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