Accident médical non fautif : l’anormalité du dommage.


  • Une avancée favorable aux victimes concernant l'anormalité du dommage en cas d'accident médical non fautif

    L'indemnisation d'un aléa thérapeutique:

    L’indemnisation par l’ONIAM (Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux) des préjudices résultant d’un accident médical non fautif ou aléa thérapeutique est soumise à deux conditions, énumérées à l’article L. 1142-1 II du code de la santé publique :

    « Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire.

    Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. »

    Il existe ainsi deux critères : la gravité du dommage et le caractère anormal du dommage.

    Si l’appréciation du critère de gravité ne pose guère de difficulté majeure, celui de l’anormalité du dommage est plus difficile à cerner.

    Or, il s’agit d’une condition essentielle de l’indemnisation d’un aléa thérapeutique et la jurisprudence s’est prononcée à de nombreuses reprises sur cette notion de dommage anormal au regard de l’état antérieur du patient et de son évolution prévisible.

    Ainsi, la condition d’anormalité du dommage doit notamment être considérée comme remplie lorsque l’acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l’absence de traitement.

    Par un arrêt du 13 novembre 2020, le Conseil d’Etat vient encore de préciser cette notion dans l’hypothèse où l’état de santé initial prédisposait à long terme à des troubles identiques à ceux résultant de l’accident médical.

    Les faits:

    Les faits étaient les suivants :

    Un patient atteint d'une neurofibromatose de type II, maladie génétique évolutive, a été pris en charge le 18 octobre 2005 à l'hôpital de la Timone de l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille (AP-HM), où une radiochirurgie a été pratiquée pour traiter le neurinome dont il était atteint. Immédiatement après cette opération, il a totalement perdu l'audition de l'oreille droite et présenté des acouphènes ainsi qu'une paralysie faciale avec des troubles oculaires, du goût et de la déglutition.

    Ce patient a saisi le tribunal administratif aux fins de voir condamner l’hôpital à l’indemniser de ses préjudices.

    Le tribunal a jugé qu’il appartenait à l’ONIAM de réparer ses préjudices.

    Sur appel de l’ONIAM, la cour administrative d’appel a réduit le montant de l’indemnisation et condamné par ailleurs l’Assistance publique – hôpitaux de Marseille à verser une certaine somme aux ayants droit (la victime étant décédée en cours de procédure).

    Un pourvoi en cassation a été formé par l’ONIAM ainsi que par les ayants droit.

    L'indemnisation consacrée par le Conseil d'Etat:

    Le Conseil d’Etat rejette néanmoins le pourvoi de l’ONIAM en retenant que :

    « En premier lieu, en estimant, ainsi qu'il résulte des termes mêmes de son arrêt, que la radiothérapie pratiquée le 18 octobre 2005 avait, en entraînant de manière immédiate une surdité totale de l'oreille droite, une paralysie de la face ainsi que divers troubles de la sensibilité, du goût, de l'odorat et de la déglutition, compte tenu du jeune âge de M. B..., de son état de santé antérieur et de ce que les neurinomes du type de celui dont il était atteint sont d'évolution lente chez les sujets jeunes, entraîné une survenue prématurée des troubles en question, la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis. En en déduisant que, eu égard à cette survenue prématurée, les conséquences de l'intervention devaient être regardées comme notablement plus graves que les troubles auxquels M.B... était exposé de manière suffisamment probable, alors même qu'il aurait été exposé à long terme à des troubles identiques par l'évolution prévisible de sa pathologie et que, par suite, la condition d'anormalité justifiant leur réparation par la solidarité nationale était remplie, la cour a exactement qualifié les faits qui lui étaient soumis et n'a pas commis d'erreur de droit.

    En deuxième lieu, si l'ONIAM soutient, à titre subsidiaire, que la cour a entaché son arrêt d'erreur de droit en la condamnant à indemniser des troubles au-delà de la date à laquelle ceux-ci auraient, en l'absence d'intervention, naturellement résulté de l'évolution prévisible de la pathologie, il résulte des dispositions rappelées ci-dessus de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique que celles-ci font obstacle, en l'absence de certitude quant au terme auquel ces troubles seraient apparus en l'absence d'accident, à ce que leur réparation par la solidarité nationale soit limitée jusqu'à une telle échéance ».

    Il s’agit là d’une jurisprudence favorable pour les victimes puisqu’elle permet de prendre en compte le délai prévisible d’apparition des troubles liés à l’état initial du patient.

    L’ONIAM discutera très certainement au cas par cas cette notion d’apparition « à long terme » des troubles.

    Il sera donc important pour les victimes d’être assistées de médecins conseil et d’avocats spécialistes à même de discuter ce point afin de faire admettre leur droit à indemnisation.

     

     

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