Le Conseil d’Etat impose aux juges d’évaluer la probabilité de consentement d’un patient correctement informé.
L'obligation d'information
L’article L. 1111-2 du code de la santé publique dispose que:
"Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus".
L’obligation d’information pesant sur les professionnels de santé porte ainsi sur les risques prévisibles et courants, mais aussi sur les risques exceptionnels connus dès lors qu’ils sont graves.
En cas de manquement à cette obligation d’information, la responsabilité de l’hôpital est engagée et il appartient aux juges d’évaluer la perte de chance en résultant.
Les préjudices du patient victime sont en effet indemnisés à hauteur de ce taux de perte de chance.
Pour ce faire, les juges indiquent quel aurait été le pourcentage de chance que le patient refuse l’intervention ou l’acte s’il avait été dûment informé du risque qui s’est malheureusement réalisé.
Il s’agit là évidemment d’une question épineuse et dont la réponse est déterminante s’agissant des niveaux d’indemnisation des préjudices de la victime.
Le Conseil d’Etat a notamment jugé que le patient n’a subi aucune perte de chance dans le cas où l’intervention était impérieusement requise et qu’il ne disposait donc d’aucune possibilité raisonnable de refus.
L'évaluation de la probabilité du consentement
Par un arrêt du 20 novembre 2020, le Conseil d’Etat précise encore cette méthode d’évaluation.
Les faits étaient les suivants :
A la suite d'une chute sur son lieu de travail ayant provoqué une désinsertion du tendon du muscle jumeau externe de son genou gauche, une patiente a subi une intervention chirurgicale visant à refixer ce tendon, le 30 décembre 2004, dans un centre hospitalier. Cette intervention ayant été suivie d'une paralysie du pied, une nouvelle intervention, réalisée le 12 janvier 2006 dans un autre établissement de santé, a mis en évidence qu'une compression accidentelle du nerf fibulaire s'était produite lors de l'opération du 30 décembre 2004.
Le tribunal administratif a fait droit à sa demande d’indemnisation des conséquences du défaut d’information dont elle avait été victime préalablement à l’intervention du 30 décembre 2004.
Après renvoi du Conseil d’Etat, la cour administrative d’appel a rejeté sa demande, jugeant "qu'il était certain que la patiente, qui souffrait en décembre 2004 d'importantes douleurs et de grandes difficultés à se déplacer, aurait, compte tenu de l'absence d'alternative thérapeutique à l'intervention chirurgicale qui lui était proposée, encore consenti à cette opération si elle avait été informée des risques d'atteinte au nerf fibulaire qu'elle comportait".
Le Conseil d’Etat rejette le pourvoi, validant l’analyse de la cour administrative d’appel, précisant :
"en jugeant, pour écarter les conclusions de la requérante tendant à l'indemnisation intégrale de toutes les conséquences dommageables de l'intervention du 30 décembre 2004, que, bien que n'ayant pas été informée de tous les risques que comportait cette intervention, Mme A... devait être regardée comme y ayant consenti, la cour a porté sur les pièces du dossier qui lui était soumis une appréciation souveraine, exempte de dénaturation et n'a pas commis d'erreur de droit".
Il ajoute :
« s’il résulte de l’instruction, compte tenu de ce qu’était l’état de santé du patient et son évolution prévisible en l’absence de réalisation de l’acte, des alternatives thérapeutiques qui pouvaient lui être proposées ainsi que de tous autres éléments de nature à révéler le choix qu’il aurait fait, qu’informé de la nature et de l’importance de ce risque, il aurait consenti à l’acte en question ».
Ainsi, les juges du fond doivent apprécier si le patient, éclairé par l’information reçue, aurait consenti à l’intervention. Dans l’affirmative, il n’y a pas de perte de chance indemnisable.
Cette position n’est évidemment pas favorable aux patients puisqu’il est difficile pour celui-ci de démontrer qu’il aurait renoncé à l’intervention s’il avait été informé du risque s’étant malheureusement réalisé. Le risque est en outre que les juges ne prennent en compte que la fréquence de survenue du dommage et considèrent par exemple qu’une fréquence de 0,1% ne peut conduire un patient à renoncer à une intervention nécessitée par son état de santé.
Il apparaît dès lors indispensable que les victimes d'un défaut d'information soient assistées d'un avocat spécialiste en la matière afin d'analyser au mieux leur chances de succès et de bâtir une défense adaptée et efficace.
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