Responsabilité d’une commune en raison de l’absence d’appel immédiat aux secours des personnels d’une école en cas de malaise d’un élève.


  • Il appartient aux personnels d'une école, constatant le malaise grave dont un élève est victime, d'appeler immédiatement les services de secours comme le prévoient d'ailleurs toutes les consignes en matière de premier secours.

    La responsabilité publique peut être engagée sur plusieurs fondements lorsqu’un élève est victime d’un accident dans le cadre scolaire.

    L’espèce sur laquelle s’est penchée le Conseil d’Etat dans son arrêt du 12 février 2021 en est l’illustration.

    Les faits étaient les suivants :

    Un jeune élève, âgé de six ans et demi, a été victime d'un arrêt cardiaque alors qu'il se trouvait dans la cour de l'école avant d'entrer à la cantine. En dépit des soins qui lui ont été prodigués sur place par les personnels de l'école puis par les services de secours, la reprise de l'activité électrique du cœur de l'enfant n'a été obtenue qu'une heure après son malaise et il est décédé le 23 décembre suivant des suites des lésions cérébrales irréversibles causées par la privation prolongée d'oxygène.

    La procédure :

    Les parents de l’enfant ont saisi le tribunal administratif aux fins de voir reconnaître la responsabilité de la commune sur le fondement d’un défaut de surveillance et sur le fondement d’un défaut d’organisation du service.

    Le tribunal administratif a jugé qu'aucun défaut de surveillance des élèves ne pouvait être retenu, le délai entre le début du malaise de l'enfant et l'arrivée à ses côtés d'un agent ayant été d'environ deux minutes.

    Il a jugé en revanche que le délai entre le constat du malaise de l’enfant et l'appel des secours avait été excessif et caractérisait un défaut d'organisation du service. Il a par ailleurs ordonné une expertise aux fins d'évaluer le taux de perte de chance d'éviter le décès de l'enfant liée à ce délai.

    La commune et son assureur ont interjeté appel de ce jugement, accueilli favorablement par la cour administrative d’appel, laquelle a jugé que le délai ainsi mis pour appeler les secours ne pouvait être regardé comme anormalement long et en en déduisant qu'aucune faute dans l'organisation du service ne pouvait être retenue à l'encontre de la commune.

    C’est en cet état que se présentait l’affaire devant le Conseil d’Etat, saisi d’un pourvoi par les parents de l’enfant.

    La responsabilité de la commune est engagée

    Le Conseil d’Etat rejoint la position du tribunal administratif, retenant la responsabilité de la commune pour défaut d’organisation du service.

    Il estime en effet « qu’il appartenait aux personnels, même s'ils étaient en mesure d'apporter eux-mêmes les premiers secours, d'appeler immédiatement les services de secours, comme le prévoient d'ailleurs toutes les consignes en matière de premier secours ».

    Toutefois, les juges ont estimé que cette faute n’a entraîné aucune perte de chance de survie pour l’enfant au regard des conclusions de l’expert qui avait été désigné.

    En effet, il a été relevé que "les personnels de l'école, dont certains étaient formés aux gestes de premier secours, ont entrepris, de façon appropriée, un massage cardiaque avec ventilation et utilisé un défibrillateur automatique de l'établissement scolaire. Les services de secours, arrivés sur place quinze minutes après leur appel, ont procédé à des manœuvres de réanimation pendant trente-cinq minutes jusqu'à obtenir une reprise de l'activité électrique du cœur de l'enfant une heure environ après son arrêt".

    Il est rajouté:

    "Si, faute que les personnels de l'école aient, comme ils auraient dû le faire, appelé les secours dès le constat du malaise grave de l'enfant, un délai excessif s'est écoulé entre le constat du malaise cardiaque et l'appel des services de secours, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que, dans les circonstances particulières de l'espèce, ce délai excessif n'a pas eu d'incidence sur les chances de survie de l'enfant, en raison notamment de la maladie cardiaque génétique dont il était atteint, qui a entraîné une forte résistance aux manœuvres de réanimation, même réalisées par des équipes spécialisées de secours, et de l'importance du délai écoulé jusqu'à la reprise de l'activité cardiaque, au cours duquel des lésions cérébrales sont apparues, qui sont à l'origine de l'encéphalopathie anoxique ayant conduit au décès de l'enfant après plusieurs jours d'hospitalisation en service de réanimation".

    Ainsi, quand bien même la responsabilité de la puissance publique est retenue, aucune indemnisation n'est mise à la charge de la commune puisqu'il est considéré que, même si les secours avaient été appelés immédiatement, l'enfant serait décédé.

    Cette question de l'évaluation du taux de perte de chance de survie est l'un des enjeux majeurs des dossiers où la responsabilité est recherchée en raison d'un retard à la prise en charge

    Il est évidemment indispensable de s'entourer des spécialistes de l'évaluation du dommage corporel dans de telles hypothèses.

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