Coût de l’aide familiale et acquisition d'un logement adapté.


  • Coût de l’aide familiale et acquisition d'un logement adapté: évolution favorable du Conseil d'Etat.

    Par un arrêt du 27 mai 2021, le Conseil d’Etat se prononce sur le coût de la tierce personne familiale, et ce dans un sens favorable aux victimes.

    Cette décision mérite d’être signalée dans la mesure où les juridictions administratives adoptent habituellement sur ce point une position moins favorable que les juridictions judiciaires.

    Le coût horaire retenu par le juge administratif est en effet habituellement de 13 €, soit en-deçà du montant retenu par le juge judiciaire, ce qui crée évidemment une inégalité de traitement entre les justiciables selon que l’indemnisation à leur revenir est fixée par l’un ou l’autre.

    L’évolution que marque l’arrêt du 27 mai 2021 mérite donc d’être soulignée.

    Les faits et la procédure:

    En raison d’un accident médical fautif survenu au cours de l’accouchement dans un centre hospitalier public, une enfant est atteinte d'une infirmité motrice cérébrale sévère.

    Ses parents, agissant en qualité de représentants légaux et en leur nom propre, ont sollicité l’indemnisation de leurs préjudices.

    Les premiers juges ont fait droit en partie à leurs demandes.

    Néanmoins, ils ont fixé le montant de l'indemnité due au titre des frais d'assistance par une tierce personne en se fondant sur un taux horaire de 13 euros, montant que les parents ont estimé insuffisant.

    Ils ont donc inscrit un pourvoi à l’encontre de l’arrêt de la cour administrative d’appel.

    La nécessaire prise en compte du niveau de qualification d’une tierce personne professionnelle:

    Le Conseil d’Etat accueille favorablement le pourvoi des parents de l’enfant selon une motivation intéressante :

     « Lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire déterminé, au vu des pièces du dossier, par référence, soit au montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues par l'employeur, soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations, en permettant le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat et sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime. »

    Il ajoute :

    « Par suite, en retenant, sur la seule base d'une référence au montant du salaire minimum brut augmenté des cotisations sociales dues par l'employeur, un taux horaire de 13 euros pour déterminer le montant de l'indemnité due à la jeune C... au titre de son besoin d'assistance par une tierce personne, sans tenir compte, ainsi qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis, de ce qu'une assistance adaptée à sa situation de handicap s'élevait un coût plus d'une fois et demie supérieur au montant retenu, la cour a méconnu les règles énoncées au point précédent. »

    Il était déjà admis tant par les juridictions administratives que judiciaires que l’indemnisation de l’assistance par une tierce personne était due même en cas d’assistance familiale.

    Ainsi, les victimes n’ont pas à justifier du règlement à un service d’aide professionnel pour obtenir l’indemnisation de ce chef de préjudice.

    Cet arrêt du Conseil d’Etat induit en outre qu’il y a lieu de tenir compte de la difficulté de la tâche correspondante, résultant du degré de dépendance de la victime directe, pour la famille assurant la fonction de tierce personne.

    Ainsi, si une assistance professionnelle devait être plus coûteuse car plus qualifiée, il y a lieu d’en tenir compte, y compris en cas d’assistance familiale.

    Il s’agit là d’une juste reconnaissance de la difficulté de la fonction d’assistance assurée par les proches.

    L'acquisition d'un nouveau logement adapté au handicap:

    Cet arrêt est également intéressant en qu’il confirme l’indemnisation de l’acquisition d’un nouveau logement si cette acquisition est nécessitée par le handicap de la victime directe.

    En l’espèce, la mère de l’enfant soutenait se trouver dans l'impossibilité d'aménager le logement dont elle était locataire ou d'en louer un autre qui soit adapté aux besoins de sa fille.

    Pour autant, les premiers juges avaient rejeté la demande d’indemnisation de divers frais liés à la construction d'un nouveau logement, jugeant qu’en cas d'achat ou de construction d'un logement adapté, seuls les frais exposés pour aménager un tel logement conformément aux besoins de l'enfant seraient susceptibles d'être indemnisés.

    Le Conseil d’Etat annule l’arrêt de la cour administrative d’appel selon la motivation suivante :

    « En statuant ainsi, alors que, outre les dépenses d'aménagement du logement rendues nécessaires par le handicap de l'enfant, d'autres dépenses nées d'une décision d'achat ou de construction d'un logement sont, dès lors qu'une telle décision est imposée par le handicap de l'enfant et dans la mesure où ces dépenses visent à répondre à ses besoins, susceptibles d'être regardées comme étant en lien direct avec la faute de l'établissement de santé et comme devant, par suite, faire l'objet d'une indemnisation, la cour a commis une erreur de droit. »

    Les frais de logement adapté doivent en effet être indemnisés de manière intégrale dès lors qu'ils sont rendus nécessaires par le handicap de la victime directe, et que ce handicap est en lien direct avec la faute du tiers responsable, même s'il s'agit de l'achat ou de la construction du logement.

    Il appartient néanmoins aux demandeurs d'apporter la preuve d'un tel lien de causalité direct et certain.

    Il leur appartient également de produire les justificatifs permettant une juste évaluation de ce chef de préjudice.

    Cela nécessite la présence aux côtés des victimes d'un avocat spécialiste en droit du dommage corporel en raison des enjeux de tels dossiers.

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