Etat antérieur et préjudice : une nouvelle confirmation de la jurisprudence.


  • Nous avons déjà évoqué la question de la question de la décompensation d’un état antérieur à l’occasion d’un accident et de l’indemnisation des conséquences en résultant.

    La deuxième chambre civile de la Cour de cassation s’est de nouveau prononcée à ce sujet le 16 septembre 2021.

    Les faits étaient les suivants :

    Une femme a été victime d'un accident de la circulation à la suite duquel a été diagnostiqué un syndrome de défilé thoraco-cervico-brachial nécessitant une intervention chirurgicale.

    Elle a saisi le tribunal à l’encontre de l’assureur du responsable aux fins notamment qu'il soit dit que le syndrome du défilé thoraco-cervico-brachial est une conséquence directe de l'accident.

    Les premiers juges ont estimé que la décompensation du syndrome du défilé thoraco-cervico-brachial de la victime était une conséquence directe de l'accident de la voie publique et que la prise en charge chirurgicale de ce syndrome et les suites opératoires étaient directement imputables à cet accident et devaient donner lieu à une indemnisation intégrale des préjudices en découlant.

    Une anomalie présentée depuis l'enfance :

    L’assureur du véhicule responsable a inscrit un pourvoi à l’encontre de cette décision.

    Il faisait notamment valoir les avis partagés des experts ayant constaté que l'anomalie présentée par la victime depuis l'enfance était « asymptomatique, ou tout du moins non douloureuse pendant 36 ans » et ayant écarté le lien de causalité entre l'accident et la décompensation du syndrome.

    La décompensation d'un état antérieur latent :

    La Cour de cassation rejette le pourvoi selon la motivation suivante :

    « L'arrêt relève que ce n'est qu'après l'accident, intervenu quand elle était âgée de 36 ans, que Mme [V] a présenté des douleurs correspondant au syndrome du défilé thoraco-cervico-brachial, que c'est parce que des douleurs persistaient suite à cet accident, alors qu'elles auraient dû s'atténuer puis disparaître grâce aux traitements habituellement utilisés dans ce genre de situation, que des examens supplémentaires ont été réalisés et que ce syndrome a été mis en évidence le 12 mai 2014, huit mois seulement après l'accident, puis traité par chirurgie au mois de juillet 2014.

    L'arrêt précise que l'anomalie du défilé thoraco-cervico-scapulaire gauche de Mme [V] est connue depuis son enfance, mais n'occasionnait aucune douleur et ne donnait lieu à aucun traitement, qu'il résulte d'un courrier de son médecin traitant en date du 21 mai 2015 qu'elle n'a jamais présenté depuis février 1997, date de sa première consultation à son cabinet, de symptômes en rapport avec son défilé thoraco-cervico-thoracique, que si l'expert judiciaire considère quant à lui que le syndrome était déjà symptomatique avant l'accident, ce dernier reconnaît qu'« il ne donnait alors pas lieu à complications sévères », et que le sapiteur ne pouvait exclure catégoriquement que l'accident soit la cause de la décompensation du syndrome.

    L'arrêt ajoute que le rapport d'expertise rédigé par MM. [S] et [J], médecins, qui se réfère à une littérature médicale datant de 1987, sans que l'intimée ne soit en mesure de démontrer que les connaissances médicales auraient évolué, a retenu un lien de causalité certain entre l'accident et la décompensation du syndrome, que d'autres praticiens, MM. [Z] et [N], retiennent un tel lien de causalité. Il considère que les experts qui ont écarté le lien de causalité entre l'accident et la décompensation du syndrome n'ont pas expliqué pour quelle raison ce syndrome était apparu moins d'un an après l'accident, alors que l'anomalie connue de Mme [V] avait été asymptomatique, ou tout du moins non douloureuse pendant 36 ans.

    En l'état de ces constatations et énonciations, la cour d‘appel, qui a souverainement apprécié la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, a pu déduire, hors toute dénaturation, sans inverser la charge de la preuve et sans violer le principe de la contradiction, que le syndrome du défilé thoraco-cervico-brachial présenté par Mme [V], qui avait été révélé par le fait dommageable, était une conséquence directe de l'accident dont elle avait été victime. »

    Cet arrêt confirme ainsi une jurisprudence favorable aux victimes : le droit à réparation de la victime doit être intégral et qu’il ne peut être réduit en raison d’une prédisposition pathologique lorsque l’affection a été provoquée ou révélée par le fait dommageable.

    Ce principe s’applique également dans le cas d’une victime dont l’état de santé était déjà fragilisé avant le fait dommageable, mais sans aucune commune mesure avec la décompensation constatée.

    L'expert ne lie pas le juge :

    En outre, cet arrêt illustre le fait que le rapport d’expertise ne lie pas les juges.

    L’avis des experts judiciaires n’est en effet qu’un élément de preuve soumis à son appréciation souveraine.

    Il est ainsi utile de contester le rapport d’expertise dès lors qu’il apparaît contestable, notamment dans les cas où un expert excède les limites de sa mission ou fait preuve d'une appréciation partiale.

    Il s’agit évidemment de contestations qu’il y a lieu d’examiner avec le concours d’un avocat spécialiste en droit du dommage corporel.

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