Communication d’un dossier médical incomplet et raisonnement du juge.


  • Quelle conséquence de l'absence de communication d'un dossier médical complet lors de l'expertise médicale sur le raisonnement des juges ?

    Les faits :

    Un patient atteint d'une maladie chronique de l'intestin, a été admis en urgence au centre hospitalier universitaire (CHU) de Rennes puis transféré à l'hôpital Saint-Louis de l'Assistance publique des hôpitaux de Paris (AP-HP) et y a subi une colectomie impliquant la réalisation d'une colostomie. Il a toutefois été victime quelques jours plus tard d'une rétractation de sa colostomie qui a provoqué une péritonite aiguë généralisée nécessitant une nouvelle intervention en urgence et lui laissant de nombreuses séquelles.

    Le tribunal administratif a jugé que cette péritonite revêtait le caractère d’une infection nosocomiale et a condamné l’ONIAM a indemniser le requérant de ses préjudices.

    Saisie d’un appel formé par l’ONIAM, la cour administrative d’appel a annulé ce jugement.

    La victime a alors formé un pourvoi à l’encontre de cet arrêt.

    Le rôle du juge en cas de dossier médical incomplet :

    L’arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 1er février 2022 est intéressant en ce qu’il précise l’incidence de l’absence de communication d’un dossier médical complet sur le raisonnement du juge.

    « En jugeant, ainsi qu'il résulte des termes de l'arrêt attaqué, que l'incapacité de l'AP-HP à communiquer aux experts judiciaires l'intégralité du dossier médical de M. B... n'était pas, en tant que telle, de nature à établir l'existence de manquements fautifs de l'établissement de santé dans la prise en charge du patient, la cour, à laquelle il appartenait en revanche, ainsi qu'elle y a procédé, de tenir compte de ce que le dossier médical était incomplet dans l'appréciation portée sur les éléments qui lui étaient soumis pour apprécier l'existence des fautes reprochées à l'établissement dans la prise en charge du patient, n'a pas commis d'erreur de droit. »

    Il est ainsi énoncé que l’absence de communication d’un dossier médical complet ne signifie pas que des fautes doivent être retenues à l'encontre des professionnels de santé mis en cause.

    En revanche, le juge doit tenir compte de l’absence de communication d’un dossier médical complet pour apprécier la responsabilité des professionnels de santé en cause.

    La survenue d'une infection nosocomiale :

    Pour le surplus, le Conseil d’Etat censure l’analyse de la cour administrative d’appel, estimant que le patient a bien contracté une infection nosocomiale au décours de sa prise en charge.

    Sa motivation est la suivante:

    "... cette infection devait être regardée, du seul fait qu'elle était survenue lors de la prise en charge de M. B... au sein de l'établissement hospitalier, sans qu'il ait été contesté devant le juge du fond qu'elle n'était ni présente ni en incubation au début de celle-ci et qu'il était constant qu'elle n'avait pas d'autre origine que cette prise en charge, comme présentant un caractère nosocomial, sans qu'il y ait lieu de tenir compte de ce que la cause directe de cette infection, à savoir la rétraction de la colostomie, avait le caractère d'un accident médical non fautif ou avait un lien avec une pathologie préexistante, la cour a commis une erreur de droit."

    Sur ce point, il s’agit de l’application cohérente des dispositions de l’article L. 1142-1-1 du code de la santé publique.

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