Soins nouveaux et aggravation du préjudice.


  • L’aggravation du préjudice peut-elle résulter de soins nouveaux destinés à améliorer les séquelles ?

    Une fois l’indemnisation du préjudice définitif acquise, la victime d’un dommage corporel conserve toujours la possibilité d’être indemnisée en cas d’aggravation de son préjudice.

    Dans l’hypothèse d’une détérioration de son état de santé imputable à l’accident initial, cette indemnisation ne pose pas en principe de difficulté, sous réserve de démontrer cette aggravation et son imputabilité à l’accident.

    En revanche, peut se poser la question de l’indemnisation des préjudices résultant de soins nouveaux destinés à améliorer les séquelles.

    Il s’agit notamment d’interventions chirurgicales ou de soins nouveaux qui n’existaient pas au moment de l’accident initial.

    A juste titre, la jurisprudence admet l’indemnisation de tels préjudices.

    L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 10 mars 2022 en est une illustration.

    Les faits et la procédure :

    Un passager d'un scooter a été victime d'un accident de la circulation en 2009.

    La société chargée de l'entretien de la chaussée à l'endroit de l'accident a accepté de prendre en charge les dommages résultant de cet accident.

    À la suite d'une expertise amiable, a été conclue une première transaction, prévoyant le paiement à la victime d'une indemnité globale réparant certains postes de préjudice et réservant l'indemnisation de divers autres postes.

    En 2011, a été conclue une seconde transaction, aux termes de laquelle l'assureur a versé à la victime des indemnités complémentaires au titre du déficit fonctionnel permanent, de l'incidence professionnelle et de la perte de gains.

    Ayant subi plusieurs interventions chirurgicales entre 2013 et 2015, et se prévalant d'une aggravation des blessures résultant de l'accident de 2009, la victime et son épouse ont obtenu la désignation d'un expert médical en référé, puis ont sollicité en justice l'annulation de la transaction conclue en 2011 et l'indemnisation de leurs préjudices.

    Les premiers juges ayant débouté la victime de ses demandes, celle-ci a formé un pourvoi.

    L'indemnisation de l'aggravation des préjudices :

    La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a tranché aux termes d’un arrêt du 10 mars 2022.

    Elle invalide la position des premiers juges selon la motivation suivante :

    « Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil, l'article L. 211-19 du code des assurances, et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :

    8. Selon le premier de ces textes, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

    9. Selon le second, la victime peut, dans le délai prévu par l'article 2226 du code civil, demander réparation de l'aggravation du dommage qu'elle a subi à l'assureur qui a versé l'indemnité.

    10. L'arrêt, pour décider que M. [P] n'a pas été victime d'une aggravation de son préjudice postérieurement à la transaction conclue au mois de janvier 2011, énonce que, lorsqu'à la suite de sa consolidation une victime qui a bénéficié d'une indemnisation se soumet à de nouveaux soins médicaux ou chirurgicaux qui ont pour but d'améliorer son état, les conséquences de ces nouveaux soins ou interventions ne peuvent être qualifiées d'aggravation de l'état initial.

    11. En statuant ainsi, alors que l'aggravation du dommage initial causé par un accident peut découler de nouveaux préjudices résultant des soins qui ont été prodigués à la victime postérieurement à sa consolidation, en vue d'améliorer son état séquellaire résultant de cet accident, la cour d'appel a violé les textes et le principe susvisé. »

    Il s’agit d’une juste appréciation du principe de la réparation intégrale des préjudices et de l’article 2226 du code civil.

    Sous prétexte de l’indemnisation définitive des séquelles d’un accident, il ne saurait être reproché à une victime de vouloir améliorer son état de santé, notamment en bénéficiant de nouvelles techniques médicales.

    Il y a lieu de préciser par ailleurs que l’amélioration des séquelles n’entraîne aucune remise en cause de l’indemnisation obtenue initialement.

    Les victimes n’ont donc pas à limiter leur préjudice, y compris des années après le règlement initial du dossier.

    En cas d’interrogation sur l’aggravation de leurs préjudices, ils doivent prendre conseil auprès d’un avocat spécialiste en droit du dommage corporel.

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