Infections nosocomiales : l’indifférence des prédispositions pathologiques de la victime.
Selon l’article L. 1142-1, I, alinéa 2 du code de la santé publique, les établissements, services ou organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère.
Selon l’article L. 1142-1-1, 1° du même code, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale, les dommages résultant d'infections nosocomiales dans ces établissements, services ou organismes correspondant à un taux d'atteinte à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales.
La notion de cause étrangère, permettant seule d’exonérer un établissement de sa responsabilité, a généré une jurisprudence fournie depuis l’entrée en vigueur de ce texte.
Progressivement, la jurisprudence a limité les cas dans lesquels une telle cause étrangère est susceptible d’être retenue.
Il résulte ainsi de la une jurisprudence que ni la preuve du caractère endogène ou exogène de l’infection, pas plus que l’état de vulnérabilité du patient, ne permettent d’écarter cette responsabilité de plein droit.
L’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 6 avril 2022 en est une nouvelle illustration (n° 20-18.513).
Les faits et la procédure :
Le 26 décembre 2009, une patiente présentant une fracture d'une cheville, a subi une ostéosynthèse. Les suites opératoires ont été compliquées par un gonflement de la cheville et une inflammation nécessitant une nouvelle intervention, à l'occasion de laquelle les prélèvements réalisés ont mis en évidence la présence d'un staphyloccus aureus multisensible.
Après avoir sollicité une expertise judiciaire, la patiente a assigné en indemnisation la clinique, le praticien et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM).
Les premiers juges ont rejeté sa demande, retenant qu’elle présentait un état cutané anormal antérieur à l'intervention caractérisé par la présence de plusieurs lésions, que le germe retrouvé au niveau du site opératoire correspondait à celui trouvé sur sa peau et que, selon l'expert judiciaire, son état de santé préexistant et son tabagisme chronique avaient contribué en totalité aux complications survenues.
La victime a formé un pourvoi, faisant valoir l’argumentation suivante :
"que les établissements de santé sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ; que présente un tel caractère l'infection, d'origine exogène ou endogène, survenant au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci ; qu'en jugeant, pour écarter le caractère nosocomial de l'infection post-opératoire à staphylocoque contractée par [Z] [I], survenue sur le site opératoire dans les jours suivant l'intervention chirurgicale, que [Z] [I] présentait un « état cutané anormal antérieur » caractérisé par la présence de plusieurs lésions et que le germe retrouvé sur le site opératoire infecté correspondait à celui trouvé sur sa peau, cependant que ni les prédispositions pathologiques de [Z] [I], ni le caractère endogène du germe à l'origine de l'infection n'étaient de nature à ôter à celle-ci son caractère nosocomial".
L'absence de cause étrangère:
La Cour de cassation invalide l’analyse de la cour d’appel.
Elle rappelle en effet que doit être regardée, au sens de ces dispositions, comme présentant un caractère nosocomial une infection qui survient au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge.
Elle en conclut : "En se déterminant ainsi, par des motifs tirés de l'existence de prédispositions pathologiques et du caractère endogène du germe à l'origine de l'infection ne permettant pas d'écarter tout lien entre l'intervention réalisée et la survenue de l'infection, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision."
Cet arrêt illustre le champ restreint de la cause étrangère et la responsabilité quasi-automatique des établissements, services et organismes de soins.
Les victimes d'infections nosocomiales peuvent ainsi solliciter l'indemnisation de leurs préjudices en rapportant la seule preuve de l'infection, les établissements échouant régulièrement à apporter la preuve d'une cause étrangère.
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