Aggravation des séquelles résultant d’une infection nosocomiale.


  • Imputabilité partielle de l’aggravation des séquelles d’une infection nosocomiale en présence de multiples facteurs d’aggravation.

    Un préjudice antérieur partiellement imputable à une infection nosocomiale:

    Un patient a contracté une infection nosocomiale en 1989 à l'occasion d'une opération du genou réalisée au sein d’une clinique privée.

    Il a intenté une action en justice afin d'obtenir la condamnation de la clinique à l'indemniser de ses préjudices.

    Il a été fait droit à sa demande, la responsabilité de la clinique ayant été retenue par une décision rendue en 2010.

    Néanmoins, lors de la liquidation de ses préjudices, un abattement des deux tiers a été appliqué pour tenir compte de facteurs étrangers à l'infection ayant concouru à sa survenue.

    L'état de santé du patient s'est ensuite aggravé et a nécessité des hospitalisations et interventions, consistant notamment en l'amputation d'une jambe.

    Le patient a sollicité l'organisation mesure d'expertise médico-légale en référé au fond d'évaluation de son préjudice en aggravation.

    L’expert a retenu, d'une part, que le syndrome septique sévère est en rapport avec une récidive de l'infection du genou gauche en lien direct avec l'ostéotomie de 1989, ce après une guérison apparente, à cause d'un staphylocoque doré multi résistant, et d'autre part, que l'infection de la prothèse de genou gauche, ayant conduit le patient en réanimation puis jusqu'à une amputation salvatrice, est en relation directe avec cette même intervention chirurgicale, 

    Sur la base des conclusions du rapport d'expertise, le patient a assigné la clinique en indemnisation de l'ensemble des préjudices consécutifs à cette aggravation.

    Les juges ont également retenu un abattement de deux tiers au profit de la clinique pour l'indemnisation des préjudices résultant de l'aggravation, retenant que l'existence d'un lien de causalité certain entre l'aggravation de l'état de santé de la victime et l'infection nosocomiale subie en 1989 ne signifie pas que la clinique soit tenue de réparer la totalité des conséquences dommageables de cette aggravation et de l'amputation subie par l'intéressé.

    Les juges ont en effet relevé que des pathologies antérieures constatées médicalement ont contribué à la dégradation de sa santé.

    Ils ont encore relevé que la décision rendue en 2010 avait tenu compte des autres facteurs ayant concouru aux préjudices invoqués à l'époque pour justifier un abattement des deux tiers de l'indemnisation et que l'origine de la réactivation de l'infection ayant nécessité l'amputation du membre inférieur gauche et causé l'aggravation dont l'indemnisation est demandée est la même que celle prise en compte dans cette décision antérieure.

    Le patient a formé un pourvoi à l’encontre de cet arrêt, faisant valoir que le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu, sans perte ni profit pour elle.

    Il estimait que le rapport d’expertise en aggravation retient bien un lien de causalité entre l'aggravation de son état de santé et l'infection nosocomiale subie en 1989, la cour d'appel ayant donc violé le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit.

    Il faisait également valoir que le droit de la victime à obtenir l'indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit en raison d'un état pathologique antérieur lorsque l'aggravation dont elle sollicite la réparation n'a été provoquée que par le fait dommageable.

    Or, selon lui, en prenant en considération des pathologies préexistantes à l'infection nosocomiale pour limiter l'indemnisation de l'aggravation de son état de santé, les juges du fond ont violé ce principe.

    L'imputabilité partielle de l'aggravation multifactorielle :

    Par un arrêt du 06 juillet 2022 (n° 21-13028), la première chambre civile de la Cour de cassation rejette le pourvoi, selon la motivation suivante :

    "Après avoir admis, en se fondant sur le rapport d'expertise, l'existence d'un lien causal entre l'infection et l'aggravation de l'état de santé de M. [U], la cour d'appel a retenu que la dégradation ayant conduit à l'amputation était multifactorielle et favorisée par l'excès pondéral du patient, ainsi que par une arthrose majeure du genou droit entraînant un surcroît de sollicitation mécanique à gauche et qu'il devait être tenu compte du rôle important et déterminant de ces facteurs étrangers à l'infection nosocomiale.

    Elle a pu en déduire, sans méconnaître le principe d'une réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, que l'infection avait seulement contribué à l'aggravation du dommage dont M. et Mme [U] sollicitaient la réparation, dans une proportion qu'elle a souverainement évaluée."

    Cet arrêt illustre les difficultés liées aux questions d'aggravation d'un préjudice en présence d'un éventuel état antérieur et d'une imputabilité partielle des séquelles initiales déjà indemnisées.

    Il démontre la nécessité d'une assistance par des professionnels spécialisés en la matière.

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