L’engagement de la responsabilité d’un centre hospitalier public du fait d’un praticien exerçant à titre libéral


  • Un établissement public de santé peut avoir à répondre de la faute d’un praticien commise dans le cadre de son activité libérale.

    Un établissement public de santé est juridiquement responsable des fautes commises par ses praticiens salariés.

    En revanche, un médecin exerçant dans un établissement public a la possibilité d’y exercer également une activité à titre libéral.

    En cas de faute commise dans le cadre de cette activité privée, sa seule responsabilité est engagée, pas celle de l’établissement.

    Une question de droit relative à la responsabilité engagée dans ce cadre a été posée au Conseil d’Etat : un centre hospitalier public peut-il être déclaré responsable de fautes commises par un praticien hospitalier dans le cadre de son activité libérale ?

    Les faits et la procédure :

    L’affaire portée en cassation était la suivante :

    A la suite d'une radiographie et d'une scintigraphie osseuse, dont le résultat était évocateur d'une tumeur osseuse, le patient a été hospitalisé en secteur public d’un centre hospitalier, et y a subi un enclouage de l'humérus avec alésage réalisé par le praticien hospitalier qui l'avait suivi auparavant dans le cadre de son activité libérale.

    Estimant que des fautes liées au retard de diagnostic de sa maladie osseuse, au choix de l'indication thérapeutique dont la mise en œuvre était de nature à favoriser l'essaimage de cellules cancéreuses dans les tissus mous et à un manquement quant à l'obligation d'information préalable à cette intervention, avaient été commises, le patient a saisi le tribunal administratif d'une demande de réparation dirigée contre l'établissement de santé.

    Le tribunal a condamné le centre hospitalier à indemniser les ayants droit du patient, décédé en cours de procédure, du montant des préjudices subis par ce dernier du fait d'un choix thérapeutique erroné.

    Le centre hospitalier se pourvoit en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel a confirmé sa responsabilité, après avoir retenu que lui étaient imputables la faute procédant d'une indication thérapeutique erronée et un manquement à l'obligation d'information du patient.

    La responsabilité du centre hospitalier :

    Par un arrêt du 06 octobre 2022 (n° 446764), le Conseil d’Etat rejette le pourvoi formé par le centre hospitalier.

    Il juge en effet que la responsabilité de l’établissement public de santé dans lequel le patient a été pris en charge au titre de l’activité libérale du praticien peut être engagée.

    S’agissant de la faute dans l'indication thérapeutique, il retient la motivation suivante :

    « D’une part, alors que les rapports qui s'établissent entre les praticiens hospitaliers exerçant une activité libérale (…) et leurs patients traités à ce titre relèvent du droit privé, la responsabilité de l'établissement public de santé dans lequel le patient a été pris en charge dans le cadre de l'activité libérale du praticien peut néanmoins être engagée dès lors que les dommages invoqués sont imputables à un mauvais fonctionnement du service public résultant soit d'une mauvaise installation des locaux, soit d'un matériel défectueux, soit d'une faute commise par un agent de l'établissement mis à disposition du praticien exerçant à titre libéral.

    D'autre part, il appartient au praticien qui réalise une intervention chirurgicale de s'assurer, au vu des données médicales dont il dispose, de la pertinence de l'indication thérapeutique sur la base de laquelle elle a été prescrite. Il s'ensuit que lorsque l'intervention est réalisée au sein du service public, y compris par un praticien hospitalier qui a lui-même posé l'indication thérapeutique dans l'exercice de son activité libérale, la faute commise dans le choix de cette indication thérapeutique est de nature à engager la responsabilité du service public hospitalier, alors même que l'exécution de l'opération n'a pas été par elle-même fautive. Il est toutefois loisible à l'établissement public de former une action récursoire contre l'auteur initial du choix thérapeutique à l'origine de la faute commise. »

    Le Conseil d’Etat a précisé à cet égard que le même médecin avait reçu en consultation le patient dans un cadre libéral puis l'avait opéré dans le cadre du service public hospitalier, et que la faute consistait à avoir pratiqué dans le cadre du service public une intervention chirurgicale inadaptée à la pathologie du patient, de nature à porter en elle-même l'intégralité du dommage.

    S’agissant du manquement à l'obligation d'information du patient, le Conseil d’Etat retient la motivation suivante :

    « Lorsqu'en particulier, un praticien hospitalier réalise, dans le cadre du service public hospitalier, une intervention chirurgicale sur un patient qu'il a suivi jusqu'à cette hospitalisation au titre de son activité libérale, l'information sur les risques attachés à cette intervention doit avoir été délivrée en principe par ce praticien hospitalier, dans le cadre de la prise en charge du patient effectuée au titre de son activité libérale. Toutefois, en cas d'omission ou d'insuffisance de l'information délivrée par le praticien dans le cadre de son activité libérale, et si cette information n'a pas été délivrée dans le cadre de la prise en charge par le service public hospitalier, le patient, peut se prévaloir du manquement qui résulte de ce défaut d'information pour rechercher la responsabilité de l'établissement public de santé, sans préjudice de l'action récursoire que cet établissement peut former contre le praticien hospitalier au titre de la faute commise dans le cadre de son activité libérale. »

    Il s’agit d’une jurisprudence extrêmement intéressante puisqu’un patient victime d’un accident médical subi dans le cadre de l’activité libérale du praticien peut rechercher la responsabilité du centre hospitalier.

    Cela peut permettre d’éviter d’avoir à rechercher la responsabilité personnelle du praticien, notamment dans le cas où il est difficile de le retrouver.

    Il est à noter que le centre hospitalier dispose ensuite de la possibilité d’une action récursoire contre son praticien salarié, procédure à laquelle la victime n’intervient pas, étant alors déjà indemnisée de ses préjudices.

    Toute victime d'un accident médical s'interrogeant sur la juridiction à saisir doit bien entendu recourir à un avocat spécialiste en la matière afin d'évaluer l'opportunité de chacune des procédures s'offrant éventuellement à lui.

     

     

     

     

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