L'évaluation du préjudice économique de l’enfant ayant perdu l'un de ses parents n’est pas impactée par la séparation de ces derniers.
Par un arrêt rendu le 19 janvier 2023, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation clarifie les informations que les juges du fond doivent prendre en compte pour évaluer le préjudice économique subi par un enfant au décès d’un de ses parents (n° 21-12.264).
Faits et procédure :
Une mère, chez qui résidaient ses deux filles après sa séparation avec leur père, est assassinée.
Les deux filles de la victime vont donc vivre chez leur père, et saisissent le Fonds de Garantie des victimes des actes de Terrorisme et d’autres Infractions (FGTI), afin de voir leurs préjudices indemnisés.
Elles contestent l’évaluation de leurs préjudices par le FGTI, lequel refuse de leur reconnaître un préjudice économique. Les requérantes soulignent que le décès de leur mère et la perte de ses revenus leur occasionnent un préjudice économique.
Les juges du fond ne leur donnent pas raison, estimant que le revenu disponible pour ces dernières n’a pas été diminué du fait du décès de leur mère, les revenus de leur père leur permettant un niveau de vie équivalent à celui qu’elles avaient auparavant.
Contestant l’interprétation des juges du fond, les requérantes se pourvoient en cassation.
Le préjudice économique apprécié indépendamment de la séparation ou non des parents :
En cassant l’arrêt rendu par les juges du fond, la Cour de cassation donne raison aux requérantes :
« Le préjudice économique d'un enfant résultant du décès d'un de ses parents doit être évalué sans tenir compte ni de la séparation ou du divorce de ces derniers, ces circonstances étant sans incidence sur leur obligation de contribuer à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, ni du lieu de résidence de celui-ci. »
La Cour considère donc la vie conjugale, et la répartition de la garde des enfants, comme totalement inconséquentes sur le calcul du préjudice économique.
La logique de la Cour repose sur la nature du devoir qu’ont les parents de contribuer à l’entretien et à l’éducation de leurs enfants : ce devoir légal n'est aucunement affecté par la séparation des parents.
Dès lors, en perdant leur mère, les deux enfants subissent un préjudice économique équivalent à la perte de la totalité de ses revenus.
Le fait que leur père, chez qui elles n’habitaient pas auparavant, viendrait subvenir à leurs besoins en leur offrant un niveau de vie équivalent à celui qu’elles avaient chez leur mère, ne mitige pas leur préjudice.
L’interprétation de la Cour de cassation, favorable aux victimes, est logique : la perte d’un parent, débiteur d’un devoir de contribution représente pour un enfant une perte de sécurité économique à la mesure de ses revenus, peu importe la situation familiale antérieure.
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