La consécration d’un préjudice autonome causé par une offre indemnitaire insuffisante après avis de la CCI.
Le code de la santé publique prévoit que le payeur désigné par la Commission de Conciliation et d’Indemnisation des accidents médicaux (CCI) dispose d’un délai de quatre mois à compter de la notification de cet avis pour formuler une offre d’indemnisation à la victime de l’accident médical.
Il est néanmoins prévu que cet avis n’a pas de force obligatoire puisque ce payeur peut refuser expressément de formuler une offre.
Il peut également garder le silence durant ce délai, ce qui équivaut à un refus implicite de suivre l’avis de la CCI.
Il peut encore formuler une offre insuffisante.
C’est dans ce dernier cas que le Conseil d’Etat a rendu le 21 mars 2023 un arrêt qui mérite d’être souligné puisqu’il crée une sanction du payeur en pareille hypothèse. (Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, N° 452939)
Les faits et la procédure :
Un père de famille décède à la suite d’une faute de diagnostic commise par un centre hospitalier. Sa veuve engage une procédure devant la Commission de Conciliation et d’Indemnisation des accidents médicaux afin de voir son préjudice et celui de ses enfants communs avec la victime indemnisés.
Après la tenue d’une expertise, la CCI rend un avis favorable à la requérante et invite l’assureur du centre hospitalier à lui adresser une offre d’indemnisation.
Considérant l’offre adressée par l’assureur insuffisante, la veuve de la victime saisit le juge administratif afin de voir son préjudice et celui de ses enfants justement indemnisés, et de voir réparer le préjudice né de l’offre insuffisante adressée par l’assureur.
Les premiers juges rejettent cette demande indemnitaire, considérant que ce préjudice serait déjà indemnisé au titre du préjudice moral subi par la requérante.
Elle forme alors un pourvoi en cassation, notamment afin de voir reconnaître par le juge son préjudice généré par l’offre initiale et insuffisante de l’assureur, l’ayant contrainte à engager une procédure judiciaire.
La consécration d’un nouveau préjudice généré par l’offre insuffisante :
Le Conseil d’Etat, en annulant l’arrêt de la cour administrative d'appel, donne raison à la requérante.
Il déduit de la lettre de l’article L. 1142-14 du code de la santé publique que l’assureur qui formule une offre d’indemnisation manifestement insuffisante après que son assuré a été désigné comme responsable par une procédure devant la CCI cause un préjudice autonome à la victime. Il le définit en ces termes :
« Ce préjudice est constitué par le fait, pour la victime ou ses ayants droit, de s'être vu proposer une offre d'indemnisation manifestement insuffisante au regard du dommage subi et d'avoir dû engager une action contentieuse pour en obtenir la réparation intégrale en lieu et place de bénéficier des avantages d'une procédure de règlement amiable. »
Cet arrêt du Conseil d’Etat est très favorable aux victimes qui, lorsqu’une offre d’indemnisation insuffisante leur est adressée, n’ont d’autre choix que de s’engager dans une procédure de longue haleine devant le juge afin de voir leurs droits reconnus, laquelle est en outre soumise à un aléa judiciaire.
L'exercice d'une action en responsabilité et indemnisation, parfois doublée d'une demande de provision devant le juge des référés, allonge le périple des victimes de plusieurs mois, voire de plusieurs années, retardant leur indemnisation définitive.
Désormais, il sera possible pour les victimes de demander à voir ces souffrances spécifiques indemnisées devant le juge lorsque les assureurs font preuve à leur égard d’une telle déloyauté.
Il y a lieu dès lors d’espérer que ce préjudice sera indemnisé à sa juste valeur par les juges.
La consécration de ce préjudice pemettra par ailleurs de dissuader les assureurs de jouer la carte de l’épuisement des victimes en leur proposant une indemnisation au rabais.
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