Condamnation de l'Etat dans la cadre d'une maladie professionnelle liée à l'amiante


  • La Cour administrative d'appel de Nantes a retenu l'imputabilité au service d'une maladie liée à l'amiante et à d'autres substances toxiques et condamné l'Etat à indemniser le préjudice de la veuve de l'agent décédé.

    La veuve d'un agent de la DDE, décédé des suites d'un carcinome bronchique en 2016, a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie de son époux. Le directeur de la DDE ayant rendu une décision de refus d'une telle reconnaissance, elle a alors saisi le tribunal administratif d'une demande d'annulation de cette décision. Le tribunal a toutefois rejeté sa demande.

    Par un arrêt du 03 décembre 2019, la Cour administrative d'appel de Nantes a annulé ce jugement. Les juges d'appel rappellent en effet les principes applicables en la matière, indiquant que :

    • d'une part, lorsqu'un agent public ne peut bénéficier d'une présomption légale d'imputabilité et que, par ailleurs, cette imputabilité n'est pas admise par l'administration, il incombe à cet agent d'apporter la preuve de l'imputabilité de l'affection au service par tous moyens de nature à emporter la conviction du juge,
    • d'autre part, dans les cas où est en cause une affection à évolution lente et susceptible d'être liée à l'exposition de l'agent à un environnement ou à des substances toxiques, il appartient au juge de prendre en considération les éléments du dossier relatifs à l'exposition de l'agent à cet environnement ou à ces substances, eu égard notamment aux tâches ou travaux qui lui sont confiés, aux conditions dans lesquelles il a été conduit à les exercer, aux conditions et à la durée de l'exposition ainsi qu'aux pathologies que celle-ci est susceptible de provoquer.

    Ils rappellent qu'il appartient ensuite au juge de déterminer si, au vu des données admises de la science, il existe une probabilité suffisante que la pathologie qui affecte le demandeur soit en rapport avec son activité professionnelle Ils précisent enfin que, lorsque tel est le cas, la seule circonstance que la pathologie pourrait avoir été favorisée par d'autres facteurs ne suffit pas, à elle seule, à écarter la preuve de l'imputabilité, si l'administration n'est pas en mesure d'établir que ces autres facteurs ont été la cause déterminante de la pathologie. Dans le cas d'espèce, l'Etat prétendait en effet que d'autres facteurs pouvaient être la cause du cancer bronchique, notamment le tabagisme de l'agent décédé.

    L'annulation du jugement de première instance

    Les juges ont toutefois pris en compte les éléments médicaux produits aux débats par la veuve de celui-ci, lesquels permettent d'établir que la victime est décédée des suites d'une maladie pulmonaire grave, possiblement causée par une exposition professionnelle à des aéra-contaminants potentiellement cancérigènes" et présentait "un carcinome bronchique (...) à petites cellules qui peut-être en rapport avec l'utilisation de produits bitumineux.

    Les juges ont également pris en compte les notes établies par la DDE elle-même, reconnaissant les risques sanitaires liés à l'amiante dans le cas des travaux routiers et ayant admis pour un autre agent que les missions d'entretien et d'exploitation réalisées étaient susceptibles de l'exposer au risque de l'amiante. De même, le CHSCT avait écrit que l'agent avait bien été exposé directement, dans le cadre de ses activités professionnelles, à des produits chimiques dont certains sont reconnus aujourd'hui nocifs pour la santé.

    Les juges ont encore pris en considération les témoignages de ses anciens collègues attestant qu'il manipulait des produits hydrocarbonés, enrobés froids et chauds, dégageant des vapeurs de solvants, émulsions à base de bitume, participait aux travaux de marquage routier, utilisant des peintures à base de solvants, à de nombreux travaux d'aménagement nécessitant le balayage, le rabotage, le sciage et le découpage des revêtements routiers, le découpage de matériaux en béton, et pierres naturelles s'exposant à des dégagements importants de poussière, et que ces travaux ont été réalisés manuellement à cette époque et toujours à proximité d'engins de chantier, camions, compacteurs, compresseurs ... à moteur diesel, desquels émanaient des gaz d'échappement.

    Au vu de l'ensemble de ces éléments, les juges ont considéré qu'au vu des données admises de la science, il existe une probabilité suffisante que la pathologie ait été en rapport avec l'activité professionnelle de l'agent. Ils ont ajouté que la seule circonstance que la pathologie pourrait avoir été favorisée par d'autres facteurs, comme les goudrons inhalés du fait de la fumée de cigarettes ne suffit pas, à elle seule, à écarter la preuve de l'imputabilité, l'Etat ne démontrant pas que ce facteur a été la cause déterminante de la pathologie.

    En conséquence, le jugement de première instance, lequel refusait de reconnaître l'imputabilité du cancer bronchique à l'activité professionnelle, est annulé. L'Etat est par ailleurs condamné à indemniser la veuve de l'agent au titre de son préjudice moral découlant de l'illégalité de la décision de refus du directeur de la DDE. Cette décision démontre que dans la mesure où la charge de la preuve de l'imputabilité de la maladie au service repose sur la victime, il est impératif qu'elle soit assistée au plus tôt par un avocat spécialiste en droit du dommage corporel afin d'être épaulée dans la constitution du dossier et l'obtention des moyens de preuve permettant d'emporter la conviction des juges.

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