Victimes par ricochet : préjudice exceptionnel de troubles dans les conditions d’existence.


  • Le préjudice de la mère ayant hébergé sa fille lourdement handicapée ne se confond pas avec l'assistance par tierce personne.

    La nomenclature Dintilhac énumère les préjudices indemnisables des victimes directes et indirectes.

    S’agissant de ces dernières, il n’est pas contestable qu’elles subissent des troubles dans les conditions d’existence en cas de handicap sévère de leur proche, victime directe d’un accident.

    La question se pose toutefois de déterminer quels sont les préjudices dont ils peuvent solliciter l’indemnisation lorsque ces préjudices sont exceptionnels.

    Il s’agissait de la question récemment posée à la Cour de cassation.

    Les faits :

    Une enfant de 10 ans a été victime d’un accident de la circulation, lui occasionnant notamment un important traumatisme crânien.

    Son état de santé a été consolidé à l’âge de 29 ans.

    La victime directe, assistée de sa curatrice, et ses proches, victimes indirectes, ont assigné l’assureur du véhicule impliqué afin d’obtenir l’indemnisation de leurs préjudices.

    La mère de la victime a notamment sollicité l’indemnisation d’un préjudice extra-patrimonial exceptionnel découlant du fait d’avoir hébergé sa fille.

    Les premiers juges ont rejeté sa demande, estimant qu'elle ferait double emploi avec la demande présentée au titre de l’assistance par tierce personne de la victime directe.

    Elle a formé un pourvoi, soutenant que l'hébergement provisoire de la victime par son proche constitue bien, pour ce dernier, un trouble dans ses conditions d'existence.

    La reconnaissance d'un préjudice exceptionnel :

    Par un arrêt du 10 octobre 2024 (courdecassation.fr), la Cour de cassation accueille favorablement cette demande, motivant son arrêt comme suit :

    "Vu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :

    10. Les proches d'une victime directe handicapée, partageant habituellement avec elle une communauté de vie affective et effective, que ce soit à domicile ou par de fréquentes visites, peuvent être indemnisés d'un préjudice extrapatrimonial exceptionnel résultant des changements dans leurs conditions d'existence entraînés par la situation de handicap de la victime directe. Ce poste indemnise tous les bouleversements induits par l'état séquellaire de la victime dans les conditions de vie de ses proches.

    11. Pour débouter Mme [F] [O] de sa demande d'indemnisation des troubles dans ses conditions d'existence, l'arrêt retient qu'au moment de l'accident, celle-ci, âgée de 43 ans, n'exerçait aucune activité professionnelle, prenait en charge l'éducation de ses trois filles mineures et que la famille n'a déménagé en 2011 qu'en raison de la retraite prise par son époux, dans une maison dont ils étaient d'ores et déjà propriétaires.

    12. Il en déduit qu'aucun élément ne vient établir que l'accident a modifié les projets de vie de Mme [F] [O] au-delà de l'investissement au quotidien que cette dernière a assuré auprès de sa fille, d'ores et déjà réparé par le poste d'assistance par une tierce personne, lequel ne saurait être indemnisé une seconde fois.

    13. En statuant ainsi, alors que la demande formée par un proche de la victime au titre d'un préjudice extrapatrimonial exceptionnel ne se confond pas avec l'indemnisation de celle-ci au titre de ses besoins d'assistance par une tierce personne, la cour d'appel, qui a relevé que la mère de la victime s'investissait quotidiennement, depuis l'accident, dans la prise en charge de sa fille souffrant d'importants troubles neuro-cognitifs et résidant toujours au domicile parental, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé le principe susvisé."

    Il s'agit évidemment d'une décision favorable aux proches de victimes lourdement handicapées tant il est évident que celles-ci subissent d'importants troubles dans leurs conditions d'existence.

    Cette décision a également le mérite de démontrer que la liste des préjudices des victimes -directes ou indirectes- n'est pas exhaustive et qu'il impératif de présenter toute demande d'indemnisation justifiée par la situation concrète dans laquelle se trouvent ces victimes.

    Bien entendu, l'assistance d'un avocat spécialiste en dommage corporel s'impose afin de faire reconnaître l'intégralité de leurs préjudices et en obtenir une juste indemnisation.

     

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