Décès de la victime directe : quelle indemnisation pour les proches ?


  • L'indemnisation du deuil pathologique des ayants droit d'une victime décédée.

    En cas de décès de la victime directe, la nomenclature Dintilhac énumère les préjudices des proches, victimes indirectes, susceptibles d’être indemnisés. Il s’agit des préjudices suivants :

    > Préjudices patrimoniaux :

         - Frais d’obsèques

         - Pertes de revenus des proches

         - Frais divers des proches

    > Préjudices extra-patrimoniaux :

         - Préjudice d’accompagnement

         - Préjudice d’affection

    La jurisprudence judiciaire admet néanmoins l’indemnisation des préjudices de la victime par ricochet au-delà de cette nomenclature.

    Le ricochet peut en effet être tellement traumatisant qu’il en découle une atteinte à l’intégrité psychique qui oblige à prendre en considération cette atteinte comme un dommage corporel propre donnant lieu à la réparation selon la nomenclature des préjudices de la victime directe.

    Il y a alors cumul possible de deux types de préjudices : ceux du proche en tant que victime de dommage corporel par ricochet de celui de la victime directe (= accès aux préjudices de la victime directe envisagés selon une date de consolidation) et ceux du proche en tant que victime par ricochet (= accès aux préjudices de la victime par ricochet envisagés selon la survie ou le décès de la victime directe).

    Tel peut notamment être le cas en cas de deuil pathologique.

    Il s’agit précisément de la demande dont a été récemment saisi le Conseil d’Etat.

    Les faits :

    Un patient, alors âgé de vingt-cinq ans, est décédé à la suite d'un malaise.

    Le tribunal administratif, saisi d’une action en responsabilité et indemnisation, a jugé que son décès résultait de manquements fautifs, imputables aux conditions d'intervention du service d'aide médicale d'urgence (SAMU) de Paris ainsi que des sapeurs-pompiers.

    Sa mère a développé, dans les suites immédiates de ce décès, un état anxio-dépressif d'intensité sévère.

    Les juges du fond ont condamné l'AP-HP, la Ville de Paris et l'Etat à verser à la requérante des sommes en sa qualité d’ayant droit de son fils et en réparation de ses préjudices propres.

    Les juges d’appel ayant en revanche refusé d’indemniser l’intégralité de ses préjudices, elle a formé un pourvoi devant le Conseil d’Etat.

    L’indemnisation du deuil pathologique :

    Par un arrêt du 7 novembre 2024 (conseil-etat.fr), le Conseil d’Etat procède à l’annulation de l’arrêt attaqué selon la motivation suivante :

    « Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour statuer sur l'indemnisation due à Mme B..., la cour administrative d'appel a jugé que les préjudices résultant, pour elle, du décès de son fils devaient être indemnisés uniquement au titre de son préjudice d'affection, par le versement d'une somme forfaitaire majorée pour inclure, outre la douleur morale liée au décès de son fils, le retentissement pathologique avéré, notamment dépressif, qu'elle a subi, eu égard aux circonstances particulièrement traumatisantes du décès de son fils en sa présence et à son domicile, mais qu'en revanche, les préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux découlant de sa pathologie dépressive étaient insusceptibles de donner lieu à indemnisation, en l'absence de lien direct avec les fautes commises.

    En excluant ainsi par principe que les préjudices résultant de l'atteinte à l'intégrité psychique consécutive au décès d'un proche puissent être en lien direct avec les faits à l'origine de ce décès, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit. Mme B... est, dès lors, fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque, en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires. Compte tenu du lien fait par la cour entre le refus d'indemnisation de certains postes de préjudice et l'allocation d'une somme majorée au titre du préjudice d'affection, cette annulation doit emporter, par voie de conséquence, également l'annulation de l'arrêt en tant qu'il a statué sur ce dernier poste de préjudice.
     »

    Le Conseil d’Etat juge ainsi que les préjudices par ricochet peuvent inclure le retentissement pathologique en sus du préjudice d’affection.

    Il s'agit évidemment d'une position favorable aux victimes puisque permettant l'indemnisation des préjudices des victimes indirectes dans toutes leurs composantes.

     

     

     

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