Quelle indemnisation en cas de sensibilité antérieure au dommage ?
Les faits :
Un patient a été suivi à compter du mois de janvier 2011 dans un CHU pour un lymphome dont le traitement par chimiothérapie a débuté le 25 février 2011. Lors d'une perfusion, une extravasation du produit utilisé a entraîné une nécrose de l'avant-bras gauche, sur laquelle une infection s'est développée, ce qui a nécessité la réalisation d'une greffe cutanée le 8 août 2011. La chimiothérapie a dû être interrompue pendant près de trois mois.
Le patient est finalement décédé le 10 février 2012 de l'évolution de son lymphome.
Un protocole transactionnel d'indemnisation a été conclu entre le CHU, son assureur et l'épouse du patient pour l'indemnisation des préjudices subis par son mari et par celle-ci du fait de la faute de l'établissement.
La CPAM a sollicité du tribunal administratif, sur le fondement de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale, la condamnation du CHU à lui rembourser les frais qu'elle a exposés dans l'intérêt du patient.
Le tribunal administratif a condamné le centre hospitalier à verser à la CPAM le montant de l’intégralité des frais qu’elle réclamait.
Le CHU ayant contesté ce jugement, la cour administrative d'appel a réduit ce montant.
Le CHU a toutefois formé un pourvoi à l’encontre de cet arrêt, estimant que, le patient étant décédé de l’évolution de son lymphome, et non directement des conséquences de l’extravasation, il n’existait pas de lien de causalité direct et certain entre les frais exposés par la CPAM et la faute médicale.
L'absence de réduction de l'indemnisation :
Par un arrêt du 20 novembre 2024 (legifrance.gouv.fr), le Conseil d’Etat rejette ce pourvoi, motivant son arrêt de la manière suivante :
"En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel que, pour justifier du montant des frais médicaux, pharmaceutiques, d'appareillage et de transport dont elle demandait le remboursement, ainsi que du lien de causalité entre ces frais et la faute commise par le CHRU, la CPAM a produit une liste de ces frais, d'un montant total de 12 549,30 euros, ainsi qu'une attestation établie par son médecin conseil. En se fondant sur ces documents pour admettre le lien de causalité entre l'ensemble de ces frais et la faute commise par le CHRU et pour accorder en conséquence à la CPAM la totalité de la somme réclamée, la cour administrative d'appel a pu, sans entacher son arrêt d'une insuffisance de motivation ni méconnaître son office, écarter l'argumentation du CHRU, qui se bornait à soutenir qu'une partie de ces frais avait été exposée pour le traitement du lymphome dont souffrait M. A.... De même, en se fondant sur des relevés d'hospitalisation portant la mention " chirurgie " et précisant les périodes concernées, qu'elle a rapprochés des termes de l'expertise produite devant la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Franche-Comté, elle a pu, sans méconnaître son office ni dénaturer les pièces du dossier écarter l'argumentation par laquelle le CHRU alléguait que la somme de 119 112, 38 euros réclamée en dernier lieu par la CPAM incluait des dépenses d'hospitalisation dépourvues de lien avec la faute commise par l'établissement.
En deuxième lieu, en jugeant que la réparation intégrale des conséquences de la faute commise incombait à l'établissement responsable, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit ni entaché son arrêt d'une contradiction de motifs, alors même qu'elle relevait par ailleurs que la commission régionale de conciliation et d'indemnisation de Franche-Comté avait estimé que les fautes commises par l'hôpital n'étaient susceptibles d'engager la responsabilité du CHRU à l'égard de la victime qu'à hauteur de 50%.
En troisième lieu, en jugeant, par une appréciation souveraine et exempte de dénaturation des pièces du dossier qui lui était soumis, qu'alors même que l'état antérieur de M. A... avait pu le rendre plus sensible aux conséquences de la faute commise, les frais exposés par la CPAM en raison de la nécrose et de l'infection subies par le patient présentaient dans leur intégralité un lien direct avec cette faute, elle a exactement qualifié les faits de l'espèce."
Au visa du principe de la réparation intégrale, principe directeur en matière d'indemnisation du dommage corporel, le Conseil d'Etat considère ainsi que la sensibilité antérieure au dommage n'est pas susceptible de réduire le droit à indemnisation, adoptant donc une position extrêmement favorable aux victimes.
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