Le rappel des contours du préjudice spécifique de contamination


  • Souffrances endurées et préjudice spécifique de contamination

    Le préjudice spécifique de contamination est un préjudice extra-patrimonial exceptionnel reconnu par la jurisprudence pour la réparation des conséquences de certaines maladies évolutives, notamment en présence d'une contamination transfusionnelle au VIH (virus de l’immunodéficience humaine) ou au virus de l'Hépatite C (VHC).

    Sa définition a été progressivement établie par la jurisprudence.

    Le préjudice spécifique de contamination comprend l’ensemble des préjudices de caractère personnel tant physiques que psychiques résultant du seul fait de la contamination et inclut, outre les perturbations et craintes éprouvées, toujours latentes, concernant l’espérance de vie et la crainte des souffrances, les perturbations de la vie sociale, familiale et sexuelle et les préjudices esthétique et d’agrément générés par les traitements et soins subis, ainsi que le seul risque de la survenue d’affections opportunistes consécutives à la contamination.

    Il n’inclut ni le déficit fonctionnel, ni les autres préjudices à caractère personnel liés à la survenue de ces affections.

    La jurisprudence a par ailleurs admis que la guérison, sans lésion séquellaire, ne constitue pas un obstacle à l’indemnisation de ce chef de préjudice.

    L’indemnisation des conséquences des contaminations transfusionnelles au VIH ou au VHC sont à la charge de l’ONIAM (Office National d'Indemnisation des Accidents Médiaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales) depuis 2010.

    La Cour de cassation vient encore de préciser les contours de ce préjudice.

    Les faits :

    Après avoir été victime d'un accident domestique en 1984, et avoir subi une transfusion sanguine, le patient a présenté une contamination par le virus de l'immunodéficience humaine.

    En 1996, le Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles a reconnu l'origine transfusionnelle de sa contamination et lui a alloué une indemnisation au titre du préjudice spécifique de contamination.

    En 2019, la victime a saisi l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) d'une demande d'indemnisation complémentaire au titre d'une perte de revenus, des souffrances endurées et du déficit fonctionnel permanent.

    L'ONIAM lui a adressé une offre d'indemnisation limitée à la perte de gains professionnels.

    La victime a formé un recours devant la cour d'appel de Paris, laquelle a indemnisé ses souffrances endurées.

    L'ONIAM a formé un pourvoi à l’encontre de cet arrêt, reprochant aux juges d’appel d’être allés au-delà de la définition jurisprudentielle du préjudice spécifique de contamination.

    Il soutenait en effet que les personnes victimes d‘une contamination transfusionnelle par le VIH et déjà indemnisées de leur préjudice spécifique de contamination ne peuvent être en outre indemnisées de souffrances endurées qu'à condition que celles-ci soient liées à la survenue d'une affection opportuniste.

    La preuve des souffrances endurées à rapporter :

    Par un arrêt du 14 novembre 2024 (courdecassation.fr), la Cour de cassation fait droit aux arguments de l’ONIAM, motivant sa décision comme suit :

    "Vu l'article L. 3122-1 du code de la santé publique et le principe d'une réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :

    6. Le préjudice spécifique de contamination comprend l'ensemble des préjudices de caractère personnel tant physiques que psychiques résultant du seul fait de la contamination et inclut, outre les perturbations et craintes éprouvées, toujours latentes, concernant l'espérance de vie et la crainte des souffrances, les perturbations de la vie sociale, familiale et sexuelle et les préjudices esthétique et d'agrément générés par les traitements et soins subis, ainsi que le seul risque de la survenue d'affections opportunistes consécutives à la contamination. Il n'inclut ni le déficit fonctionnel, ni les autres préjudices à caractère personnel liés à la survenue de ces affections.

    7. Pour condamner l'ONIAM à payer à M. [S] une indemnité au titre des souffrances endurées, l'arrêt retient que l'indemnisation du préjudice spécifique de contamination n'exclut pas une indemnisation des souffrances endurées et que l'expert commis par l'ONIAM a évalué les souffrances éprouvées par M. [S] à hauteur de 5/7.

    8. En se déterminant ainsi, sans constater que les souffrances indemnisées étaient distinctes de celles déjà réparées au titre du préjudice spécifique de contamination et notamment liées à la survenue d'une affection opportuniste, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision."

    Il appartient dès lors aux victimes d'une contamination transfusionnelle d'être vigilantes et d'apporter spécifiquement la preuve de souffrances endurées -physiques et psychiques- résultant d'affections opportunistes.

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