Le référentiel de l'ONIAM: vers une abrogation ?
Le référentiel d'indemnisation de l'ONIAM:
L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a élaboré son propre référentiel d'indemnisation, lequel est décrié par les conseils de victimes comme désavantageux pour les celles-ci.
Ce référentiel d'indemnisation a par ailleurs été élaboré à partir des données transactionnelles de l'ONIAM, c'est-à-dire sur la base des montants d'indemnisation versés aux victimes à l'issue des procédures d'indemnisation amiable devant la Commission de Conciliation et d'Indemnisation des accidents médicaux (CCI).
Or, il y a lieu de rappeler que le ministère d'avocat n'est pas obligatoire devant la Commission de Conciliation et d'Indemnisation des accidents médicaux, ce qui induit que les victimes non assistées ne sont pas en mesure de déterminer si l'offre d'indemnisation qui leur est faite est ou non conforme à la jurisprudence en matière de réparation du préjudice corporel.
Certaines victimes acceptent par ailleurs l'indemnisation proposée car elles ne souhaitent pas initier une procédure judiciaire, seul moyen d'obtenir alors une juste indemnisation. Il faut souligner que la procédure devant la Commission de Conciliation et d'Indemnisation des accidents médicaux (CCI) est en effet souvent éprouvante pour les victimes non assistées, et que leur lassitude est parfaitement compréhensible.
Il faut encore faire observer que l’ONIAM se refuse à toute négociation à l'issue de cette procédure.
Le référentiel de l'ONIAM est ainsi critiquable à plusieurs égards.
En effet, les montants indemnitaires apparaissent inférieures aux données de la jurisprudence judiciaire.
De même, il impose une indemnisation forfaitisée de certains chefs de préjudice, ce qui est contraire au principe de la réparation intégrale.
Fort heureusement, les juges de l'ordre judiciaire écartent ce référentiel lorsqu'ils sont saisis, rappelant leur pouvoir souverain d'appréciation.
En revanche, les juges de l'ordre administratif appliquent ce référentiel, ce qui pose évidemment des difficultés relative à l'égalité due aux justiciables. Il n'est en effet pas acceptable que, selon qu'un accident médical est survenu dans le secteur privé ou le secteur public, l'indemnisation ne soit pas la même alors que les préjudices sont équivalents.
Estimant que ce référentiel ne respecte pas le principe de la réparation intégrale, des victimes et associations, dont l’ANADAVI (Association Nationale des Avocats de Victimes de Dommages Corporels), ont sollicité son abrogation auprès du directeur de l'ONIAM.
Une abrogation partielle:
Le Conseil d'État s'est prononcé par un arrêt du 31 décembre 2024 (https://www.legifrance.gouv.fr).
Aux termes de son arrêt, il invalide partiellement le référentiel :
"En revanche, d'une part, dans son " avant propos ", le référentiel litigieux précise qu'" en dehors du cadre indemnitaire strict, l'ONIAM indemnise les frais de conseils, notamment par un médecin ou un avocat, engagés par la victime, ou par ses ayants-droit en cas de décès, dans le cadre du processus de règlement amiable. Ces frais font l'objet d'un remboursement sur production de pièces justificatives, et sous réserve qu'ils ne soient pas pris en charge au titre d'un contrat d'assurance de protection juridique ou d'un système de protection. Ce remboursement est plafonné à 700 euros. " S'il est loisible à l'ONIAM de proposer une évaluation forfaitaire de ces frais, il ressort des termes mêmes de ces énonciations, ainsi que le concède l'office en défense, que le plafond ainsi fixé revêt un caractère impératif et non indicatif. Le référentiel litigieux méconnaît, par suite, sur ce point, le principe de réparation intégrale du préjudice.
D'autre part, les dispositions du référentiel litigieux relatives aux frais d'obsèques et aux frais divers des proches, qui indiquent que " l'indemnisation des frais d'obsèques vise les frais funéraires au sens strict " et que " le cumul des frais occasionnés par le décès - frais d'obsèques et frais divers des proches - est indemnisé dans la limite d'un plafond de 5000 € ", et celles qui limitent la prise en charge du forfait hospitalier à la moitié de ce dernier, méconnaissent, pour les mêmes motifs, le principe de réparation intégrale du préjudice.
Enfin, le montant de l'indemnité réparant la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne doit se fonder sur un taux horaire déterminé, au vu des pièces du dossier, par référence, soit au montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues par l'employeur, soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations, en permettant le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat et sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Or, le référentiel litigieux indique, pour l'indemnisation des besoins d'assistance par tierce personne, que " Le taux horaire proposé par l'ONIAM est de 13€/h pour une aide non spécialisée et de 18€/h pour une aide spécialisée. " L'ONIAM ne contestant pas, en défense, que le taux horaire ainsi fixé est significativement inférieur au montant du salaire minimum de croissance, tel qu'il résulte en dernier lieu du décret du 23 octobre 2024 susvisé, augmenté des cotisations à la charge de l'employeur, M. A... B... et autres sont fondés à soutenir que le référentiel litigieux est entaché d'erreur manifeste d'appréciation sur ce point."
Sont donc censurés le taux horaire de 13€ pour l'aide humaine, l'utilisation de règles de capitalisation désuètes et la forfaitisation des frais d'obsèques ainsi que ceux de médecin conseil.
Le Conseil d'État n'a toutefois pas suivi les conclusions de son rapporteur, qui relevait une difficulté liée au fait que le haut de la fourchette d'indemnisation du référentiel est souvent inférieure au bas de la fourchette d'indemnisation judiciaire pour les préjudices extra-patrimoniaux.
Il ressort par ailleurs des conclusions du rapporteur qu'il n'appartient pas au juge administratif d'appliquer le référentiel de l'ONIAM mais à ce dernier de respecter les évaluations jurisprudentielles.
Il s'agit tout de même d'une avancée très appréciable en faveur des victimes.
Il reste à espérer que cette évolution se poursuivre en ce sens.
Retour