Condamnation de l’Etat pour insuffisance d’information dans l’affaire de la Dépakine.
Le valproate de sodium, commercialisé sous le nom de Dépakine, est un médicament anti-épileptique prescrit à partir de la fin des années 1960.
Il a malheureusement été découvert tardivement que, prescrit aux femmes enceintes, il expose les fœtus à des risques élevés de malformation congénitale, et qu’une fois nés, les enfants présentent un risque accru de troubles neuro-développementaux.
Plusieurs milliers d’enfants sont concernés.
Face à l’ampleur de ce scandale apparu en 2015, un dispositif d’indemnisation amiable auprès de l’ONIAM (Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux, des Affections Iatrogènes et des Infections Nosocomiales) a été mis en place en 2020 (https://www.oniam.fr/valproate).
La Dépakine est au cœur de nombreuses procédures judiciaires, ayant notamment permis la reconnaissance de la responsabilité du laboratoire français Sanofi, son fabricant.
La responsabilité de l’Etat français a également été recherchée.
C’est sur cet aspect que la cour administrative d’appel de Paris s’est prononcée le 14 janvier 2025, statuant sur cinq dossiers (21PA04849, 21PA02510, 22PA02381, 21PA04398, 21PA01990).
La confirmation de la responsabilité de l'Etat:
La cour administrative d’appel confirme que l’Etat a une part de responsabilité dans l’«insuffisance d’informations» donnée aux patients et aux médecins sur les risques de la prise de Dépakine pendant la grossesse.
Elle précise qu'en «ne faisant pas modifier l’autorisation de mise sur le marché de la Dépakine afin que les patientes soient suffisamment informées des risques pour le fœtus […], l’agence chargée de la sécurité du médicament a manqué à ses obligations et commis une faute engageant la responsabilité de l’Etat».
Ainsi, «pour des enfants nés entre 1999 et 2009, […] l’Etat doit réparer partiellement les conséquences de l’insuffisance de l’information donnée aux médecins et aux patientes» sur les risques de malformations pour le fœtus ou des troubles du développement chez les enfants de femmes traitées pendant leur grossesse.
Dès lors, «la cour confirme que les autorités sanitaires de l’Etat n’ont pas été assez réactives dans la mise à jour, selon les périodes, de tout ou partie de ces documents, compte tenu des suspicions sérieuses mises en évidence par les études existantes».
La cour rappelle que la gravité des risques pour l’enfant à naître a été documentée progressivement dès les années 1980 pour des malformations congénitales, et à partir des années 2000 pour les troubles neurodéveloppementaux. Elle considère également que «ce manque d’informations n’est pas la cause directe des troubles que connaissent les enfants», mais qu’elle a «entraîné, pour les mères, une perte de chances de prendre la décision de changer de traitement, lorsqu’une telle possibilité existait, ou bien de renoncer à une grossesse».
La cour administrative d'appel observe cependant que l'Etat n'est responsable que d’une partie des préjudices des victimes, estimant que «des fautes» commises par le laboratoire ou par les médecins prescripteurs «sont de nature à exonérer l’État de tout ou partie de l’obligation de réparer les dommages subis par les enfants et leurs proches».
Elle ne retient toutefois «pas de faute du laboratoire qui avait proposé sans succès des modifications des informations contenues dans les documents, pour des grossesses menées en 2006, 2008 et 2009».
Elle ne retient pas non plus, «sauf cas particulier, de faute des médecins».
Il s'agit d'une nouvelle étape dans la reconnaisance et l'indemnisation des nombreuses victimes de ce médicament.
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