L’allocation d’Education de l’Enfant Handicapé, prestation indemnitaire ou familiale ?


  • L’allocation d’Education de l’Enfant Handicapé, prestation indemnitaire ou familiale ?

    Par un arrêt du 2 juin 2021, la première chambre de la Cour de cassation vient de trancher une question importante pour les victimes bénéficiaires de l’Allocation d’Education de l’Enfant Handicapé : s’agit-il ou non d’une prestation indemnitaire ?

    Si tel est le cas, il y a lieu en effet de déduire montant de cette prestation de l’indemnisation mise à la charge du tiers responsable.

    Aux termes de l’article L. 541-1 du code de la sécurité sociale, l’AEEH bénéficie à la personne qui assume la charge d’un enfant handicapé, âgé de moins de vingt ans, lorsque ce dernier justifie d’un taux d’incapacité permanente minimum et qu’il ne bénéficie pas d’une rémunération excédant un plafond fixé par l’article R. 512-2 du code de la sécurité sociale.

    Les faits :

    Les faits de l’espèce étaient les suivants :

    Un enfant présentait une tétraplégie causée par des complications survenues lors de l'accouchement de sa mère.

    S'agissant d'un accident médical non fautif, également appelé aléa thérapeutique, l'ONIAM (Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux) était compétent pour indemniser la victime et ses parents.

    La procédure d'indemnisation :

    Ceux-ci ont donc sollicité la reconnaissance judiciaire de leur droit à indemnisation à l’encontre de l’ONIAM aux fins d’obtenir l’indemnisation des préjudices de leur enfant ainsi que de leurs propres préjudices.

    La Cour d’appel avait jugé que la charge de l’indemnisation des préjudices subis par l’enfant et par ses parents doit effectivement peser sur l’ONIAM sur le fondement de l’article L. 1142-1 II du code de la santé publique.

    Elle refusait par ailleurs que l’AEEH soit déduite de l’indemnité de plus de deux millions d’euros versée au titre des besoins d’assistance par une tierce personne jusqu’aux dix-huit ans de l’enfant.

    L'AEEH, prestation familiale :

    L’ONIAM a donc inscrit un pourvoi à l’encontre de cette décision, arguant du principe de réparation intégrale du préjudice selon lequel l’AEEH, en sa composante de base, comme en ses compléments, devrait être déduite de l’indemnisation due par l’ONIAM au titre des frais d’assistance par tierce personne.

    La Cour de cassation rejette ce pourvoi, rappelant le principe de l’indemnisation intégrale des préjudices et confirmant l’absence de caractère indemnitaire de l’AEEH.

    Elle rappelle en premier lieu l’article L. 1142-17 du code de la santé publique :

    « Selon l'article L. 1142-17 du code de la santé publique, il doit être déduit du montant des indemnités à la charge de l'ONIAM revenant à la victime ou à ses ayants droit, les prestations énumérées à l'article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, et plus généralement les indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs du chef du même préjudice. »

    Ce texte permet en effet d’assurer une indemnisation intégrale du préjudice, laquelle correspond à une indemnisation sans perte ni profit pour la victime.

    En l’espèce, l’ONIAM prétendait que l’absence de déduction de l’AEEH entraînait une double indemnisation des besoins en assistance par tierce personne.

    La Cour de cassation rajoute :

    « Il résulte des articles L. 541-1 et R. 541-1 du code de la sécurité sociale que l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, comme son complément, est due à la personne qui assume la charge d'un enfant handicapé dont l'incapacité permanente est au moins égale à un taux déterminé, qu'elle est destinée à compenser les frais d'éducation et de soins apportés par cette personne à l'enfant jusqu'à l'âge de 20 ans, qu'elle est fixée, sans tenir compte des besoins individualisés de l'enfant, à un montant forfaitaire exprimé en pourcentage de la base de calcul mensuelle des allocations familiales et que, s'agissant d'une prestation à affectation spéciale, liée à la reconnaissance de la spécificité des charges induites par le handicap de l'enfant, elle constitue une prestation familiale et ne répare pas un préjudice de cet enfant.»

    Elle en conclut :

    « Dès lors que cette allocation et son complément ne revêtent pas de caractère indemnitaire, la cour d'appel a décidé, à bon droit, qu'ils ne devaient pas être déduits de l'indemnisation due par l'ONIAM à M. et Mme [O] au titre de l'assistance par une tierce personne de leur fille. »

    Il s’agit d’une décision justifiée eu égard au caractère de l’AEEH, prestation familiale ayant pour but non pas d’indemniser un préjudice mais d’aider les familles à faire face aux frais supplémentaires qu’entraîne le handicap d’un enfant à charge.

    Retour
  • Nous contacter, nous poser une question