Erreur médicale à l'occasion d'une greffe d'organe.


  • Responsabilité pour perte de chance de l'Agence de la biomédecine et des centres hospitaliers et indemnisation par l'ONIAM.

    Par un arrêt du 15 octobre 2021, le Conseil d’Etat précise de quelle manière il convient de combiner la responsabilité pour perte de chance et l’indemnisation au titre de la solidarité nationale.

    Les faits étaient les suivants :

    Un patient a été admis, le 26 janvier 2011, au centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux pour la réalisation d'une greffe hépatique dont le greffon devait être prélevé au centre hospitalier du Havre. Alors que, informée de la disponibilité d'un greffon par l'équipe de prélèvement du centre hospitalier du Havre, l'équipe chirurgicale du CHU de Bordeaux avait débuté l'opération en procédant à de premiers gestes opératoires, en particulier le clampage du pédicule hépatique, qui rendaient l'hépatectomie irréversible, elle a été contrainte de renoncer à implanter ce greffon, en raison de la détection chez le donneur d'une adénopathie cancéreuse. L'implantation a néanmoins pu être réalisée, plusieurs heures après, grâce à un second greffon obtenu en urgence. A la suite de cette transplantation, la survenue d'une myélinolyse a entraîné de lourdes séquelles neurologiques pour le patient.

    En première instance, le tribunal administratif a condamné uniquement le CHU de Bordeaux à indemniser la victime de ses préjudices.

    En appel, la cour administrative d’appel a condamné solidairement les deux centres hospitaliers et l’Agence de la biomédecine.

    Elle a en effet jugé que les fautes commises conjointement par l'Agence de la biomédecine, le groupe hospitalier du Havre et le CHU de Bordeaux, tant lors de la phase de sélection du premier greffon que lors des transmissions d'informations entre l'équipe de prélèvement et l'équipe de transplantation, avaient privé le patient d'une chance, évaluée à 25 %, d'échapper à la myélinolyse qui s'était déclarée à la suite de la transplantation hépatique.

    Elle a ensuite recherché si le dommage était susceptible d'être indemnisé par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) au titre de la solidarité nationale, mais a jugé qu'il ne présentait pas le caractère d'anormalité et de gravité requis par les dispositions combinées du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique et de l'article D. 1142-1 du même code.

    Des pourvois ont été inscrits par la victime et par l’Agence de la biomédecine.

    Ils sont l’occasion pour le Conseil d’Etat de se prononcer sur la manière de combiner l’indemnisation au titre de la perte de chance et au titre de la solidarité nationale, ainsi que sur les conditions d’engagement de la responsabilité de l’Agence de la biomédecine en matière de prélèvements d'organes.

    Combiner responsabilité pour perte de chance et indemnisation par la solidarité nationale :

    Le Conseil d’État caractérise la façon dont le juge doit procéder pour qu’un accident médical soit indemnisé par l’ONIAM dans le cas où la faute a fait perdre à la victime une chance d’y échapper ou de se soustraire de ses conséquences.

    Ainsi, il affirme qu’une réparation intégrale est possible pour la victime au titre de la solidarité nationale mais que l’indemnité due par l’ONIAM doit être réduite de l’indemnité mise à la charge du responsable de la perte de chance.

    Par ailleurs, il précise qu’il appartient au juge « de déterminer si l’accident médical a été directement causé par la faute invoquée et, dans ce cas, si l’acte fautif est à l’origine des dommages corporels invoqués ou seulement d’une perte de chance de les éviter ».

    Dans le cas où l’acte fautif ne constitue pas la cause directe de l’accident, le Conseil d’Etat indique que le juge doit rechercher « si le dommage subi présente le caractère d’anormalité et de gravité requis par les dispositions du II de l’article L.1142-1 du code de la santé publique » et s’il doit par conséquent faire l’objet d’une réparation par l’ONIAM.

    Dans l’affirmative, « si la faute reprochée au professionnel de santé ou à l’établissement, service ou organisme mentionné au I de l’article L.1142-1 du code de la santé publique a fait perdre à la victime une chance d’éviter l’accident médical non fautif ou de se soustraire à ses conséquences, il appartient au juge, tout en prononçant le droit de la victime à la réparation intégrale de son préjudice, de réduire l’indemnité due par l’ONIAM du montant qu’il met alors, à ce titre, à la charge du responsable de cette perte de chance ».

    La responsabilité de l'Agence de la biomédecine :

    Le Conseil d’Etat se prononce par ailleurs sur les conditions d’engagement de la responsabilité de l’Agence de la biomédecine en matière de prélèvements d'organes, laquelle intervient à la phase de sélection du donneur.

    Le Conseil d’Etat précise ainsi que la victime d’une opération de greffe qui considère que les sélections du greffon n'ont pas été satisfaisantes « peut rechercher, sans avoir à établir la faute propre à chacun des intervenants, la responsabilité solidaire tant des établissements de santé impliqués dans l'opération de sélection que de l'Agence de la biomédecine ».

    Toutefois, il ajoute : « Conformément aux règles qui régissent la responsabilité des personnes publiques, l'agence peut toutefois, lorsque sa responsabilité solidaire est ainsi recherchée, demander à être dégagée de toute responsabilité en établissant qu'elle n'a commis aucune faute dans l'accomplissement de ses missions propres ».

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