Victimes de l'amiante

Première cause des maladies professionnelles en France, l’amiante constitue un réel problème de santé publique. Il a donc été mis en place un processus spécifique, la loi prévoyant non seulement des mesures de protection et de surveillance des travailleurs exposés à l'amiante, mais également un système d'indemnisation de leurs préjudices.

La reconnaissance du caractère professionnel de la maladie :

Il appartient à la caisse d’assurance maladie de reconnaître la maladie professionnelle. Pour ce faire, la victime adresse une déclaration à sa caisse. Cette demande doit être adressée par lettre recommandée avec accusé de réception.

La demande doit être adressée dans un délai de 2 ans à compter de la date du certificat médical attestant de la possible relation entre la maladie et l'exposition à l'amiante durant l'activité professionnelle.

Une exception existe toutefois pour les victimes très anciennes puisqu’aucun délai de prescription ne leur est opposable. La caisse d'assurance maladie procède à l'instruction de la demande en réalisant une enquête administrative visant à retracer les conditions d'exposition professionnelle à l'amiante.

La caisse vérifie également si la maladie déclarée entre bien dans la classification légale des maladies professionnelles. Il existe en effet des tableaux de maladies professionnelles dans le code de la sécurité sociale. Si la maladie figure au tableau des maladies professionnelles, la caisse rend une décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie.

Dans le cas contraire, la caisse transmet le dossier au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. C'est ensuite sur la base de l'avis de ce comité que la caisse se prononce.

Dans le cadre de la reconnaissance de la maladie professionnelle, après évaluation de son incapacité permanente, la victime bénéficie d'une indemnisation forfaitaire prévue par le code de la sécurité sociale, tout comme en matière d’accidents du travail.

La faute inexcusable de l'employeur :

Comme pour les accidents du travail, la victime peut obtenir une indemnisation complémentaire en cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur. En matière d'amiante, la jurisprudence retient que l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité de résultat envers ses employés et qu’il engage sa responsabilité dès l'apparition d'un risque professionnel caractérisant le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité. Il est reconnu par la jurisprudence que la maladie professionnelle constitue justement un manquement à l'obligation de sécurité ayant le caractére d'une faute inexcusable.

La victime dispose d'un délai de 2 ans pour exercer une action en reconnaissance de faute inexcusable. Le point de départ de ce délai est, soit la date à laquelle elle a été informée du lien possible entre sa maladie et son activité professionnelle, soit la date de cessation de paiement des indemnités journalières. Le délai peut également commencer à courir à partir de la date à laquelle le caractère professionnel de la maladie est reconnu.

Le Fonds d’Indemnisation des Victimes de l’Amiante (FIVA) :

La procédure :

Le Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante (FIVA) a été mis en place par la loi du 23 décembre 2000 au vu de l'ampleur des dégâts causés par l'amiante et de l'insuffisance de l'indemnisation allouée au titre des maladies professionnelles.

Il peut être saisi par toute personne justifiant de l'exposition de la victime à l'amiante et des conséquences sur son état de santé.

Le délai de saisine est théoriquement de 10 ans. La saisine du FIVA se fait par le dépôt d'un formulaire réglementaire accompagné d'un certain nombre de pièces justificatives.

Afin de constituer un dossier complet permettant de mettre en évidence l'ensemble des préjudices de la victime et de ses proches, il est conseillé de se faire assister d'un avocat, qui peut effectuer cette démarche pour ses clients.

Le FIVA dispose d'un délai de 6 mois à compter de sa saisine pour adresser son offre indemnitaire aux victimes. En cas d'absence d'offre dans ce délai, ou en cas d’offre insuffisante, les victimes disposent d'un délai de 2 mois pour saisir la Cour d'appel du lieu de leur domicile.

En raison de la technicité de cette procédure soumise à des règles procédurales strictes, il est nécessaire de se faire assister par un avocat spécialisé.

Les préjudices indemnisés :

La saisine du FIVA permet d'envisager l’indemnisation du préjudice subi par la victime et par ses proches selon un barème préétabli par le FIVA lui-même.

Les préjudices de la victime directe :

  • les préjudices patrimoniaux ou économiques : préjudice professionnel (pertes de gains), dépenses de santé restant à charge, autres frais (assistance par tierce personne, aménagement du logement, du véhicule...).
  • les préjudices extra-patrimoniaux ou personnels : incapacité fonctionnelle, préjudice moral, préjudice physique, préjudice d’agrément, préjudice esthétique.

Les préjudices des proches :

  • le préjudice moral : le barème du FIVA prévoit l’indemnisation du préjudice moral et d’accompagnement de fin de vie des ayants droit de la victime en cas de décès de celle-ci.
  • le préjudice patrimonial : préjudice économique, frais matériels (frais funéraires, frais de déplacement...).

Le FIVA peut également être saisie en cas d’aggravation de la pathologie liée à l’amiante ou d’apparition d’une nouvelle pathologie selon les mêmes modalités que pour la demande d’indemnisation initiale.

Le préjudice d’anxiété :

Le préjudice d’anxiété est un préjudice moral lié à l’inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d’une maladie. Il est notamment invoqué dans le cas de l’exposition à l’amiante en l’absence même de préjudice corporel. Il a en effet été mis en place par la loi du 23 décembre 1998 un mécanisme de départ anticipé à la retraite pour les salariés et anciens salariés de l’amiante qui, sans être atteints d’une pathologie résultant de cette exposition, remplissent des conditions d’âge et d’exercice dans des établissements dont la liste a été fixée par décret (article 41). Ils perçoivent ainsi une allocation de cessation anticipée d’activité. Dès 2010, la Cour de cassation a admis l’existence d’un préjudice d’anxiété indemnisable pour ces salariés exposés durant leur activité professionnelle à l’amiante. L’indemnisation du préjudice d’anxiété supposait toutefois la réunion de trois conditions :

  • le salarié devait travailler dans l’un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi de 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel.
  • le salarié devait prouver son inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante.
  • cette inquiétude permanente devait se confirmer par des contrôles médicaux et examens réguliers.

Cette dernière condition liée à la réalisation de contrôles et examens réguliers a été abandonnée par la jurisprudence peu après, ce qui a permis une indemnisation de la plupart des salariés exposés à l’amiante. Toutefois, étaient exclus les salariés dont l’entreprise ne figurait pas sur la liste de l’article 41 alors qu’ils avaient bien été exposés à l’amiante durant leur activité professionnelle.

La Cour de cassation a mis fin à cette inégalité par un arrêt du 5 avril 2019, admettant qu’en application des règles de droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur, le salarié qui justifie d’une exposition à l’amiante générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n’aurait pas travaillé dans l’un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998.

Cette indemnisation du préjudice d’anxiété n’est cependant pas automatique, l’employeur pouvant s’exonérer de sa responsabilité s’il démontre avoir pris les mesures nécessaires à la sécurité de ses salariés. L’employeur peut également s’exonérer de sa responsabilité dans le cas où le préjudice d’anxiété n’est pas caractérisé puisqu’il est exigé du salarié qu’il prouve un préjudice d’anxiété personnellement subi et résultant du risque élevé de développer une pathologie grave.

Cette preuve se fait notamment par la production de certificats médicaux, ce qui conduit finalement dans de nombreux cas à justifier de la réalisation de contrôles et examens réguliers, à la demande du patient ou de son médecin. L’évolution récente de la jurisprudence apparaît donc favorable aux victimes de l’amiante au travers de la reconnaissance d’un préjudice d’anxiété aux travailleurs ne présentant pas une pathologie liée à l’amiante mais soucieux de leur devenir.

Cette reconnaissance bénéficie désormais également aux travailleurs du secteur public, la juridiction administrative ayant récemment condamné l’Etat à indemniser d’anciens militaires de la Marine nationale exposés à l’amiante durant leur carrière, jugeant que l'Etat avait une obligation générale d'assurer la sécurité et la protection de la santé des travailleurs placés sous sa responsabilité. Il apparaît donc opportun pour tous les travailleurs exposés à l’amiante de s’interroger sur leurs possibilités d’action.


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